L'Épître de Jacques
par Neville Smart
Table des mati¨¨res
1 Jacques : sa vie et son milieu
2 Adresse et salutation (1: 1)
3 Les ¨¦preuves (1: 2-12)
4 La tentation (1: 13-18)
5 La pratique de la Parole (1: 19-25)
6 La religion pure et sans tache (1: 26, 27)
7 L¡¯acception de personnes (2: 1-7)
8 La Loi Royale (2: 8-13)
9 La Foi et les Œuvres (2: 14-26)
10 L¡¯usage de la langue (3:1-12)
11 La douceur et la vraie sagesse (3: 13-18)
12 L¡¯adult¨¨re spirituel (4: 1-6)
13 L¡¯humilit¨¦ pr¨¦c¨¨de la gloire (4: 7-10)
14 La m¨¦disance et la parole pr¨¦somptueuse (4: 11-17)
15 Les mauvais riches (5; 1-6)
16 La patience (5: 7-11)
17 Exhortations diverses (5: 12-20)
1 Jacques : sa vie et son milieu
Il y a tout lieu de croire que l¡¯auteur de l¡¯¨¦pître de Jacques est le disciple
auquel Paul fait allusion lorsqu¡¯il parle aux Galates de « Jacques, le fr¨¨re du
Seigneur » (Galates 1: 19) ; c¡¯est de lui qu¡¯il est question dans les chapitres
15 et 21 des Actes. Cette id¨¦e est ¨¦tablie par plusieurs faits que nous
passerons en revue plus tard.
L¡¯Écriture nous parle peu de la jeunesse de Jacques, le fr¨¨re du Seigneur. Mais
nous trouvons dans les ¨¦vangiles quelques indications sur les circonstances de
sa vie et aussi sur son caract¨¨re.
Rapprochons d¡¯abord Matthieu 13: 53-56 et Marc 6: 3. Chacun de ces passages
nous donne une liste des quatre fr¨¨res de J¨¦sus. L¡¯ordre des noms diff¨¨re dans
les deux listes, mais tout de m¨ºme on note que Jacques est en t¨ºte des deux ¡ª
d¡¯o¨´ l¡¯on peut supposer qu¡¯il ¨¦tait l¡¯aîn¨¦ des fr¨¨res et qu¡¯il avait le plus de
personnalit¨¦.
Il est presque certain qu¡¯il a accept¨¦ les id¨¦es strictement religieuses dans
lesquelles ses parents l¡¯avaient ¨¦lev¨¦. Autant qu¡¯on puisse en juger par sa
vie, il a t¨¦moign¨¦ d¡¯un respect sinc¨¨re et permanent pour la loi de Moïse. De
plus il a dû poss¨¦der un esprit sagace et tr¨¨s pratique.
Au commencement du minist¨¨re de J¨¦sus il a peut-¨ºtre ¨¦cout¨¦ son fr¨¨re avec un
certain int¨¦r¨ºt (Jean 2: 11, 12) ; mais il est vite devenu sceptique au fur et
¨¤ mesure que les paroles de J¨¦sus lui paraissaient de plus en plus id¨¦alistes
et fantasques (Jean 7: 2-5). Il se peut en particulier que les critiques
s¨¦v¨¨res faites par J¨¦sus ¨¤ l¡¯¨¦gard de nombreuses traditions juives l¡¯aient
fâch¨¦. Ainsi, de m¨ºme que ses fr¨¨res cadets, il a m¨¦rit¨¦ quelquefois le
reproche de J¨¦sus. Ce reproche est peut-¨ºtre implicite dans Matthieu 12: 46-50
; il est tout ¨¤ fait explicite dans Jean 7: 2-9. L¡¯attitude des fr¨¨res est
pr¨¦vue dans Psaume 69: 9 ¡ª verset qui ¨¦tablit aussi que les fr¨¨res de J¨¦sus
¨¦taient les fils de Marie, non pas de quelque autre femme de Joseph.
Un homme tel que Jacques a dû consid¨¦rer la mort de son fr¨¨re avec quelque
regret naturel mais aussi comme ¨¦tant le r¨¦sultat in¨¦vitable d¡¯une conduite
imprudente et provocatrice. Pour Jacques, comme pour Saul de Tarse, la
conversion a ¨¦t¨¦ quelque chose de soudain : le Christ ressuscit¨¦, comme Paul le
d¨¦clare (1 Corinthiens 15: 5-7), « est apparu ¨¤ C¨¦phas, puis au douze... Ensuite,
il est apparu ¨¤ Jacques ». Et pour Jacques, ainsi que pour Paul plus tard, la
vue du Christ ressuscit¨¦ a ¨¦t¨¦ tout ¨¤ fait convaincante. Il paraît que ses
fr¨¨res aient subi une semblable exp¨¦rience. En tout cas, nous les voyons tous
r¨¦unis dans la chambre haute ¨¤ J¨¦rusalem apr¨¨s l¡¯ascension de J¨¦sus,
pers¨¦v¨¦rant dans la pri¨¨re avec les apôtres, les femmes et Marie leur m¨¨re
(Actes 1: 12-14).
Or, devant Dieu il n¡¯y a point d¡¯acception de personnes, et quoique Jacques fût
« le fr¨¨re du Seigneur » il n¡¯avait aucun droit ¨¤ une consid¨¦ration sp¨¦ciale
parmi les premiers disciples. Il n¡¯y a pas pr¨¦tendu ; il ne l¡¯a pas cherch¨¦e. Dans
le premier verset de son ¨¦pître il se pr¨¦sente non pas comme « Jacques, le
fr¨¨re du Seigneur », mais comme « Jacques, serviteur de Dieu et du Seigneur
J¨¦sus-Christ ». Ainsi il reconnaît qu¡¯il est essentiellement fr¨¨re de J¨¦sus
selon l¡¯esprit plutôt que selon la chair.
Dans les jours suivant sa conversion, Jacques, humili¨¦ et châti¨¦ par ses
exp¨¦riences, d¨¦sirait sans doute avoir le temps de m¨¦diter et de r¨¦fl¨¦chir afin
de pouvoir r¨¦gler sa vie selon les exigences de sa nouvelle foi. Il n¡¯est plus
fait d¡¯allusion ¨¤ son sujet dans les premiers chapitres des Actes. Il se
trouvait certainement parmi ceux dont on dit (Actes 2: 42-47) : « ...Ils
rompaient le pain dans les maisons, et prenaient leur nourriture avec joie et
simplicit¨¦ de cœur, louant Dieu, et trouvant grâce aupr¨¨s de tout le peuple ».
Cependant, Jacques allait jouer un rôle important dans le d¨¦veloppement de
l¡¯¨¦glise du premier si¨¨cle. Il poss¨¦dait un caract¨¨re qui le rendait
particuli¨¨rement apte ¨¤ conseiller et ¨¤ diriger les disciples de son Seigneur. S¨¦rieux,
plein de z¨¨le, renomm¨¦ pour ses pratiques pieuses, sagace, courageux, franc
mais plein de tact, tout ¨¤ fait simple et sinc¨¨re ¡ª voil¨¤ les qualit¨¦s que l¡¯on
remarque dans son ¨¦pître et dans ces passages (Actes 15 et 21) qui se
rapportent ¨¤ lui. Peu ¨¤ peu, ¨¤ cause de ces qualit¨¦s, il jouait un rôle de plus
en plus ¨¦minent dans les activit¨¦s de l¡¯¨¦glise de J¨¦rusalem. Lors de la
premi¨¨re visite de Paul ¨¤ J¨¦rusalem il avait d¨¦j¨¤ gagn¨¦ beaucoup d¡¯importance
(voir Actes 9: 26-30 et Galates 1: 18-20) ; lors de la deuxi¨¨me visite de Paul
(Actes 11:27-30; Galates 2:1,7-10) et de la mort de Jacques, fils de Z¨¦b¨¦d¨¦e
(Actes 12: 1-7, 12-17), on le consid¨¦rait avec Pierre et Jean comme colonne
dans l¡¯¨¦glise ; ¨¤ ce moment, il est ¨¦vident, son autorit¨¦ dans l¡¯¨¦glise de
J¨¦rusalem ¨¦tait tr¨¨s grande.
Mais l¡¯autorit¨¦ de Jacques ressort avec force surtout des r¨¦cits d¡¯Actes 15 et
21, rapportant deux conf¨¦rences qui ont eu lieu ¨¤ J¨¦rusalem ¨¤ cette ¨¦poque. Dans
le chapitre 14 des Actes on parle (verset 26) du retour de Paul et de Barnab¨¦ ¨¤
Antioche apr¨¨s leur premier voyage de missionnaires, voyage remarquable surtout
parce que les Juifs avaient rejet¨¦ la parole de Dieu, et que Paul et Barnab¨¦
s¡¯¨¦taient tourn¨¦s vers les païens pour leur annoncer l¡¯¨¦vangile (Actes 13:
44-49). Apr¨¨s leur retour ¨¤ Antioche, « ils convoqu¨¨rent l¡¯Église, et ils
racont¨¨rent tout ce que Dieu avait fait avec eux, et comment il avait ouvert
aux nations la porte de la foi » (Actes 14: 27).
Mais pendant leur s¨¦jour ¨¤ Antioche, quelques hommes sont venus de la Jud¨¦e,
enseignant les fr¨¨res, « en disant : Si vous n¡¯¨ºtes circoncis selon le rite de
Moïse, vous ne pouvez ¨ºtre sauv¨¦s » (Actes 15:1). On remarque ici un probl¨¨me
qui inqui¨¦tait beaucoup les fr¨¨res ¨¤ cette ¨¦poque et qui devenait d¡¯ailleurs un
probl¨¨me quasi g¨¦n¨¦ral. Les chr¨¦tiens du premier si¨¨cle avaient ¨¦t¨¦ autrefois
ou des Juifs circoncis ou des païens incirconcis. Parmi les Juifs convertis au
christianisme il y en avaient qui soutenaient la n¨¦cessit¨¦ d¡¯observer les rites
de Moïse m¨ºme apr¨¨s le bapt¨ºme, voil¨¤ la source de bon nombre de luttes et de
divisions parmi les disciples de l¡¯¨¦glise primitive. Plusieurs ¨¦pîtres traitent
de ce probl¨¨me. Ici, dans Actes 15, nous avons le compte rendu d¡¯une conf¨¦rence
au cours de laquelle on a essay¨¦ de d¨¦truire l¡¯influence de ces «judaïsants »
et de trancher la question de façon d¨¦finitive (versets 2-35).
La conf¨¦rence commence avec une vive discussion ; puis Pierre se l¨¨ve et
d¨¦clare que « c¡¯est par la grâce du Seigneur J¨¦sus » que nous sommes tous
sauv¨¦s, Juifs et païens. Barnab¨¦ et Paul racontent « tous les miracles et les
prodiges que Dieu avait faits par eux au milieu des païens ». Enfin, Jacques
prend la parole. Il est d¡¯avis qu¡¯il n¡¯est pas n¨¦cessaire pour les païens
convertis d¡¯observer la loi de Moïse ; mais il profite de l¡¯occasion pour les
mettre en garde contre l¡¯impudicit¨¦ tr¨¨s r¨¦pandue ¨¤ cette ¨¦poque parmi les
païens, et il les encourage ¨¤ s¡¯abstenir des animaux ¨¦touff¨¦s et du sang pour
ne pas blesser la conscience de ces fr¨¨res juifs qui tenaient toujours ¨¤
observer les coutumes de leurs p¨¨res sans s¡¯y croire absolument astreints. On
remarque que Paul expose le m¨ºme principe dans Romains 14 et dans 1 Corinthiens
8.
Ce qui donnait encore plus d¡¯autorit¨¦ ¨¤ l¡¯avis de Jacques c¡¯est que lui-m¨ºme,
selon toute probabilit¨¦, observait strictement les ordonnances de la loi. Toutes
les traditions se rapportant ¨¤ Jacques l¡¯affirment ; et il y a quelques
indications du m¨ºme fait dans les Écritures, surtout dans Galates 2: 11,12. Donc,
le respect de Jacques pour la loi de Moïse ne faisait aucun doute ; les
judaïsants ne pouvaient ajuste titre ¨¦prouver aucune hostilit¨¦ ¨¤ son ¨¦gard ;
ils avaient m¨ºme peut-¨ºtre invoqu¨¦ son exemple pour appuyer leur enseignement
(Actes 15: 24).
En tout cas, il paraît certain que c¡¯est Jacques qui a pr¨¦sid¨¦ la conf¨¦rence de
J¨¦rusalem. C¡¯est bien lui qui a clos la discussion et qui a formul¨¦ la
proposition enfin adopt¨¦e par toute l¡¯¨¦glise (Actes 15: 22, 23). Il paraît tout
aussi clair que c¡¯est lui qui a r¨¦dig¨¦ la lettre contenant la proposition ¡ª
chose qui paraît tout ¨¤ fait naturelle, hypoth¨¨se d¡¯ailleurs qu¡¯appuie l¡¯¨¦tude
de son style.
C¡¯est dans Actes 21: 17-26 que nous lisons le r¨¦cit de la seconde conf¨¦rence de
J¨¦rusalem. Ici il est question d¡¯une d¨¦marche prudente pour tranquilliser la
conscience des « milliers de Juifs » qui avaient cru, mais qui continuaient ¨¤
¨ºtre « z¨¦l¨¦s pour la loi ». Si le projet n¡¯a pas r¨¦ussi, ce n¡¯¨¦tait la faute ni
de Jacques ni de l¡¯¨¦glise. Et encore une fois on voit l¡¯autorit¨¦ de Jacques : «
Paul se rendit avec nous chez Jacques, et tous les anciens s¡¯y r¨¦unirent »
(v.18) ¡ª d¡¯o¨´ il semble que Jacques ait de nouveau pr¨¦sid¨¦ la conf¨¦rence.
Nous avons ainsi pass¨¦ en revue certains aspects du caract¨¨re et de l¡¯œuvre de
« Jacques, le fr¨¨re du Seigneur » ¡ª cet homme qui a dirig¨¦ l¡¯¨¦glise de
J¨¦rusalem au moment critique du d¨¦veloppement de l¡¯¨¦glise primitive. Jos¨¨phe et
d¡¯autres historiens nous disent qu¡¯il a ¨¦t¨¦ mis ¨¤ mort par les Juifs plusieurs
ann¨¦es avant la destruction de J¨¦rusalem. 11 est permis de croire qu¡¯il a ¨¦t¨¦
fortifi¨¦ dans sa derni¨¨re ¨¦preuve par les paroles de consolation qu¡¯il avaient
employ¨¦es autrefois pour encourager les douze tribus dispers¨¦es (Jacques 1: 12)
:
« Heureux l¡¯homme qui supporte patiemment la tentation ; car, apr¨¨s avoir ¨¦t¨¦
¨¦prouv¨¦, il recevra la couronne de vie, que le Seigneur a promise ¨¤ ceux qui
l¡¯aiment ».
2 Adresse et salutation (1: 1)
L¡¯¨¦pître de Jacques commence par une salutation dans laquelle l¡¯auteur se
pr¨¦sente comme « serviteur de Dieu et du Seigneur J¨¦sus-Christ ». Nous avons
d¨¦j¨¤ not¨¦ ce fait : Il nous indique que Jacques ne veut pas insister sur sa
parent¨¦ avec J¨¦sus selon la chair ¡ª il est plutôt son fr¨¨re et son serviteur
selon l¡¯esprit. Voici un bel exemple de l¡¯humilit¨¦ que pratique Jacques devant
son Seigneur et parmi ses fr¨¨res chr¨¦tiens. C¡¯est une attitude essentiellement
spirituelle qu¡¯il manifeste.
Jacques adresse son ¨¦pître « aux douze tribus qui sont dans la dispersion ». Nous
savons bien que du temps des apôtres des milliers de Juifs ¨¦taient dispers¨¦s au
loin dans tous les pays du monde ancien. Le jour de la Pentecôte « il y avait
en s¨¦jour ¨¤ J¨¦rusalem des Juifs, hommes pieux, de toutes les nations qui sont sous
le ciel » (Actes 2: 1, 5). Ils se d¨¦crivaient (versets 9 et 10) comme «
Partîtes, M¨¨des, Élamites, ceux qui habitent la M¨¦sopotamie, ta Jud¨¦e, la
Cappadoce, le Pont, l¡¯Asie, la Phrygie, la Pamphylie, l¡¯Égypte, le territoire
de la Libye voisine de Cyr¨¨ne, et ceux qui sont venus de Rome, Juifs et
pros¨¦lytes, Cr¨¦tois et Arabes ». Apr¨¨s avoir entendu le discours de Pierre,
beaucoup de ces Juifs de la dispersion ont ¨¦t¨¦ baptis¨¦s ; « et, en ce jour-l¨¤,
le nombre des disciples augmenta d¡¯environ trois mille âmes » (versets 37-41 ).
Ils sont rentr¨¦s apr¨¨s quelque temps chez eux, pour pr¨ºcher la bonne nouvelle
aux Juifs de la dispersion et pour ¨¦tablir des ¨¦glises chr¨¦tiennes.
C¡¯est surtout aux disciples de ces ¨¦glises qu¡¯a ¨¦crit Jacques. Pers¨¦cut¨¦s sans
doute par les Juifs qui ne croyaient pas (nous voyons dans les Actes que ces
m¨ºmes Juifs s¡¯excitaient souvent contre les fr¨¨res), ils avaient certainement
besoin de l¡¯encouragement de son ¨¦pître ; il leur fallait aussi des avis sur la
pratique de la vie chr¨¦tienne. Pour les fr¨¨res juifs de la Jud¨¦e une lettre de
Jacques n¡¯¨¦tait point n¨¦cessaire ; il demeurait au milieu d¡¯eux et pouvait leur
donner en personne les conseils et les exhortations dont ils avaient besoin.
Quelle a ¨¦t¨¦ la date de la lettre ? Certainement Jacques l¡¯a ¨¦crite ou avant ou
longtemps apr¨¨s la premi¨¨re conf¨¦rence de J¨¦rusalem, car il n¡¯est point
question dans cette ¨¦pître de l¡¯attitude des fr¨¨res juifs envers les fr¨¨res
païens; si ce probl¨¨me avait inqui¨¦t¨¦ les ¨¦glises, Jacques en aurait sans doute
trait¨¦. Nous supposons, donc, ou que la mauvaise influence des judaïsants ne
s¡¯¨¦tait pas encore d¨¦velopp¨¦e ou qu¡¯elle s¡¯¨¦tait tout ¨¤ fait dissip¨¦e. Cependant,
dans ce dernier cas l¡¯¨¦pître de Jacques serait d¡¯une date beaucoup post¨¦rieure
m¨ºme ¨¤ celle de l¡¯¨¦pître aux H¨¦breux ¡ª ce qui est peu probable, eu ¨¦gard aux
coutumes et au point de vue nettement juifs des auditeurs de l¡¯¨¦pître. Ainsi il
nous paraît bien que Jacques a ¨¦crit son ¨¦pître non longtemps apr¨¨s la mort de
Jacques, fils de Z¨¦b¨¦d¨¦e, et de H¨¦rode Agrippa (en l¡¯an 44 environ ¡ª voir Actes
12: 1, 2, 20-23) ; et certainement quelques ann¨¦es avant la premi¨¨re conf¨¦rence
de J¨¦rusalem, en l¡¯an 50 environ. C¡¯est-¨¤-dire que Jacques ¨¦crivait « aux douze
tribus qui sont dans la dispersion » lors du premier voyage missionnaire de
Paul et de Barnab¨¦. Nous verrons plus tard qu¡¯il y a dans l¡¯¨¦pître plusieurs
versets qui rev¨ºtent une signification plus pr¨¦cise si nous agr¨¦ons cette date.
« Jacques... aux douze tribus... salut ». Ce mot « salut » ne s¡¯emploie qu¡¯une
seule autre fois dans tout le Nouveau Testament ; au commencement de la lettre
envoy¨¦e « aux fr¨¨res d¡¯entre les païens », apr¨¨s la premi¨¨re conf¨¦rence de
J¨¦rusalem (Actes 15: 23). C¡¯est l¨¤ une petite concordance qui nous aide ¨¤
identifier le r¨¦dacteur de cette lettre-ci avec l¡¯auteur de l¡¯¨¦pître de
Jacques.
3 Les ¨¦preuves (1: 2-12)
« Mes fr¨¨res, regardez comme un sujet de joie compl¨¨te les diverses ¨¦preuves
auxquelles vous pouvez ¨ºtre expos¨¦s... Heureux l¡¯homme qui supporte patiemment
la tentation »
(Jacques 1: 2, 12).
Dans le Nouveau Testament le mot grec « peirasmon » s¡¯emploie dans plusieurs
sens : surtout il porte les significations d¡¯¨¦preuve et de tentation envers le
mal. Naturellement nous devons toujours l¡¯interpr¨¦ter selon son contexte ; mais
malheureusement nos versions françaises ne montrent aucune
uniformit¨¦ dans l¡¯emploi des mots d¡¯ « ¨¦preuve » et de « tentation » pour
indiquer les diverses acceptions du grec. Il faut donc noter que dans ce
chapitre, Segond nous donne « ¨¦preuve » dans le verset 2 et « tentation » dans
le verset 12, quoique le contexte nous indique clairement que Jacques parle
dans les deux versets d¡¯¨¦preuves, et qu¡¯en effet il soutient dans tous les
versets 2-12 une th¨¨se continue au sujet de l¡¯attitude chr¨¦tienne envers les
¨¦preuves. C¡¯est cette th¨¨se que nous allons maintenant examiner.
Que sont les ¨¦preuves ? Quel est leur rôle dans la vie chr¨¦tienne ? Les
Écritures nous en parlent beaucoup, et nous indiquent que Dieu nous soumet de
temps en temps aux influences du malheur et de la souffrance pour nous
discipliner dans la justice, pour perfectionner notre caract¨¨re, surtout pour
¨¦prouver et consolider notre foi. Voil¨¤ pourquoi l¡¯apôtre Paul encourage les
H¨¦breux ¨¤ supporter patiemment le châtiment de Dieu :
« Dieu nous châtie pour notre bien, afin que nous participions ¨¤ sa saintet¨¦ »
(H¨¦breux 12: 5-10).
Or, les Écritures reconnaissent franchement que l¡¯on ne peut regarder les
malheurs et les souffrances eux-m¨ºmes comme des exp¨¦riences joyeuses : pas du
tout. Mais, au milieu m¨ºme des douleurs, l¡¯enfant de Dieu peut ressentir une
paix et une joie tout ¨¤ fait inconnues du monde et qui proviennent de sa
connaissance du but de ses souffrances. Dieu a promis ¨¤ ceux qui L¡¯aiment
qu¡¯ils deviendront « participants de la nature divine » (2 Pierre 1: 4). Pour
h¨¦riter ¨¤ l¡¯avenir de cette grande et pr¨¦cieuse promesse, il faut absolument
que d¨¨s maintenant nous essayions de d¨¦velopper en nous-m¨ºmes des qualit¨¦s
divines ¡ª que nous d¨¦pouillions le vieil homme et ses œuvres et que nous
rev¨ºtions « l¡¯homme nouveau, qui se renouvelle, dans la connaissance, selon
l¡¯image de celui qui l¡¯a cr¨¦¨¦ » (Colossiens 3: 9, 10).
Or, le châtiment repr¨¦sent¨¦ par nos malheurs et nos souffrances est un des
moyens dont Dieu se sert pour nous aider ¨¤ faire mourir « ce qui, dans [nos]
membres, est terrestre », et ¨¤ nous attacher « aux choses d¡¯en haut »
(Colossiens 3: 5, 2).
C¡¯est en pensant ¨¤ ce fait que l¡¯enfant de Dieu peut prendre courage et
ressentir de la joie, m¨ºme lorsqu¡¯il se trouve expos¨¦ aux ¨¦preuves : il les
regarde comme la pr¨¦lude d¡¯une participation ¨¤ la nature divine :
« C¡¯est par beaucoup de tribulations qu¡¯il nous faut entrer dans le royaume de
Dieu »
Actes 14: 22).
Ainsi Paul ¨¦crit aux H¨¦breux (H¨¦breux 12: 11) :
« Il est vrai que tout châtiment semble d¡¯abord un sujet de tristesse, et non
de joie ; mais il produit plus tard pour ceux qui ont ¨¦t¨¦ ainsi exerc¨¦s un
fruit paisible de justice ».
Aux « ¨¦trangers et dispers¨¦s » dans l¡¯Asie mineure, Pierre ¨¦crit :
« Par la puissance de Dieu [vous] ¨ºtes gard¨¦s par la foi pour le salut pr¨ºt ¨¤
¨ºtre r¨¦v¨¦l¨¦ dans les derniers temps ! C¡¯est l¨¤ ce qui fait votre joie, quoique
maintenant, puisqu¡¯il le faut, vous soyez attrist¨¦s pour un peu de temps par
diverses ¨¦preuves, afin que l¡¯¨¦preuve de votre foi, plus pr¨¦cieuse que l¡¯or
p¨¦rissable (qui cependant est ¨¦prouv¨¦ par le feu), ait pour r¨¦sultat la
louange, la gloire et l¡¯honneur, lorsque J¨¦sus-Christ apparaîtra. Vous l¡¯aimez
sans l¡¯avoir vu, vous croyez en lui sans le voir encore, vous r¨¦jouissant d¡¯une
joie merveilleuse et glorieuse, parce que vous obtiendrez le salut de vos âmes
pour prix de votre foi »
(I Pierre 1: 5-9)
(voir aussi Matthieu 5: 11, 12 ; 2 Corinthiens 4: 16-18).
C¡¯est ce m¨ºme principe qu¡¯expose Jacques (1: 2-4) :
« Mes fr¨¨res, regardez comme un sujet de joie compl¨¨te les diverses ¨¦preuves
auxquelles vous pouvez ¨ºtre expos¨¦s, sachant que l¡¯¨¦preuve de votre foi produit
la patience. Mais il faut que la patience accomplisse parfaitement son œuvre,
afin que vous soyez parfaits et accomplis, sans faillir en rien ».
Nous avons d¨¦j¨¤ remarqu¨¦ que les disciples parmi les douze tribus dispers¨¦es
avaient certainement besoin de ce conseil de Jacques : ils ¨¦prouvaient de
cruelles souffrances grâce aux pers¨¦cutions des Juifs incroyants.
Cependant, ressentir et t¨¦moigner de la joie au milieu des ¨¦preuves n¡¯est point
naturel, n¡¯est point facile : cette joie, nous l¡¯avons not¨¦, provient de la
reconnaissance du but des ¨¦preuves ; et cette reconnaissance est l¡¯effet d¡¯une
attitude essentiellement spirituelle envers la vie ¡ª d¡¯une attitude qui
s¡¯occupe de l¡¯avenir plutôt que du pr¨¦sent, qui regarde
« non point aux choses visibles, mais ¨¤ celles qui sont invisibles ; car les
choses visibles sont passag¨¨res, et les invisibles sont ¨¦ternelles »
(2 Corinthiens 4: 18).
Pour avoir ce point de vue nettement spirituel, nous devons nous d¨¦barrasser de
la sagesse de ce monde et nous munir de la sagesse de Dieu. Comment faire cela
? Le pr¨¦cepte de Jacques est tr¨¨s simple et tr¨¨s pr¨¦cis ¡ª il faut chercher cette
sagesse ¨¤ sa source : il faut la demander ¨¤ Dieu :
« Si quelqu¡¯un d¡¯entre vous manque de sagesse, qu¡¯il la demande ¨¤ Dieu, qui
donne ¨¤ tous simplement et sans reproche, et elle lui sera donn¨¦e »
(Jacques 1:5).
Mais Dieu impose une condition : si l¡¯homme veut partager le don libre de la
sagesse divine, il doit s¡¯approcher de Dieu, de son côt¨¦, simplement, librement
et sans r¨¦serve :
« Mais qu¡¯il la demande avec foi, sans douter ; car celui qui doute est
semblable au flot de la mer, agit¨¦ par le vent et pouss¨¦ de côt¨¦ et d¡¯autre
»
( verset 6).
Pendant sa jeunesse, Jacques avait certainement entendu souvent pr¨ºcher son
fr¨¨re ; ses pr¨¦ceptes et son langage nous rappellent fr¨¦quemment ceux de J¨¦sus
¡ª et surtout ceux du sermon sur la montagne. Ce que Jacques dit ici nous
rappelle les paroles de J¨¦sus dans Matthieu 6: 24 :
« Nul ne peut servir deux maîtres. Car, ou il haïra l¡¯un, et aimera l¡¯autre ;
ou il s¡¯attachera ¨¤ l¡¯un, et m¨¦prisera l¡¯autre. Vous ne pouvez servir Dieu et
Mammon ».
Souvent, en effet, nous prions Dieu avec une foi qui n¡¯est que partielle, une
foi partag¨¦e entre Dieu et nos int¨¦r¨ºts mondains ; nous sommes irr¨¦solus,
inconstants dans nos voies :
« Qu¡¯un tel homme ne s¡¯imagine pas qu¡¯il recevra quelque chose du Seigneur
»
(Jacques 1: 7,8).
Jacques revient ¨¤ ces sujets de la sagesse divine et d¡¯une foi divis¨¦e avec
encore plus de force dans les chapitres 3 et 4. Sa pr¨¦occupation avec l¡¯id¨¦e de
la sagesse divine indique une liaison avec les Proverbes et l¡¯Eccl¨¦siaste,
liaison qui ressort avec encore plus de force ailleurs dans la lettre.
Quelle est la raison la plus fr¨¦quente d¡¯une foi divis¨¦e ? Quel est le grand
pouvoir qui s¨¦duit les enfants de Dieu de leur fid¨¦lit¨¦ ¨¤ Lui seul ? Ce sont
les richesses, ou plutôt le d¨¦sir et la recherche des richesses et ce que les
richesses am¨¨nent ¨¤ leur suite : ce sont surtout les richesses qui constituent
le Mammon de ce monde. Mais l¡¯enfant de Dieu doit reconnaître qu¡¯en Christ les
richesses ne font pas de diff¨¦rence :
« Il n¡¯y a plus ni Juif ni Grec, il n¡¯y a plus ni esclave ni libre, il n¡¯y a
plus ni homme ni femme ; car tous vous ¨ºtes un en J¨¦sus-Christ »
(Galates 3: 28).
Et voici une v¨¦rit¨¦ qui est cause de r¨¦jouissance pour les disciples, tant
riches que pauvres, qui veulent l¡¯accepter. Le fr¨¨re de condition humble, dit
Jacques (1: 9), peut se glorifier « de son ¨¦l¨¦vation » ; car en Christ il est
devenu h¨¦ritier des v¨¦ritables richesses du royaume de Dieu :
« Écoutez, mes fr¨¨res bien-aim¨¦s : Dieu n¡¯a-t-il pas choisi les pauvres aux
yeux du monde, pour qu¡¯ils soient riches en la foi, et h¨¦ritiers du royaume
qu¡¯il a promis ¨¤ ceux qui l¡¯aiment ? »
(Jacques 2: 5).
Le fr¨¨re riche, au contraire, peut se glorifier « de son humiliation » ; car en
Christ il apprend que lui et ses richesses sont des choses passag¨¨res et
fugitives, qu¡¯il passera, avec ses richesses,
« comme la fleur de l¡¯herbe. Le soleil s¡¯est lev¨¦ avec sa chaleur ardente, il a
dess¨¦ch¨¦ l¡¯herbe, sa fleur est tomb¨¦e, et la beaut¨¦ de son aspect a disparu :
ainsi le riche se fl¨¦trira dans ses entreprises »
(1: 10, 11).
En reconnaissant la nature transitoire de l¡¯homme et de ses entreprises, le
fr¨¨re riche est pouss¨¦ ¨¤ amasser, comme son fr¨¨re pauvre,
« des tr¨¦sors dans le ciel, o¨´ la teigne et la rouille ne d¨¦truisent point, et
o¨´ les voleurs ne percent ni ne d¨¦robent »
(Matthieu 6: 20).
Ainsi, apr¨¨s avoir d¨¦velopp¨¦ sa th¨¨se sur les ¨¦preuves d¡¯une mani¨¨re assez
d¨¦taill¨¦e, Jacques revient, dans le verset 12, ¨¤ l¡¯essentiel : comme dans les
versets 2-4, il insiste ici sur la n¨¦cessit¨¦ de supporter patiemment les
¨¦preuves auxquelles on est expos¨¦. L¡¯exhortation rappelle par le fond et par la
forme les paroles de J¨¦sus, et surtout les b¨¦atitudes de Matthieu 5 :
« Heureux l¡¯homme qui supporte patiemment la tentation ; car, apr¨¨s avoir ¨¦t¨¦
¨¦prouv¨¦, il recevra la couronne de vie, que le Seigneur a promise ¨¤ ceux qui
l¡¯aiment »
(1: 12).
J¨¦sus parle souvent des tribulations qu¡¯auront dû supporter ses disciples ; et
il insiste toujours sur le fait que ce sera celui qui pers¨¦v¨¦rera jusqu¡¯¨¤ la
fin qui sera sauv¨¦ (voir, par exemple, Marc 13: 13). Ce m¨ºme principe ressort
avec force dans l¡¯Apocalypse (2: 10) :
« Ne crains pas ce que tu vas souffrir. Voici, le diable jettera quelques-uns
d¡¯entre vous en prison, afin que vous soyez ¨¦prouv¨¦s, et vous aurez une
tribulation de dix jours. Sois fid¨¨le jusqu¡¯¨¤ la mort et je te donnerai la
couronne de vie ».
4 La tentation (1: 13-18)
« Heureux l¡¯homme qui supporte patiemment la tentation... Que personne,
lorsqu¡¯il est tent¨¦, ne dise : C¡¯est Dieu qui me tente »
(Jacques 1: 12, 13).
Dans le chapitre pr¨¦c¨¨dent nous avons not¨¦ que Segond aurait bien fait dans le
verset 12 de traduire le mot grec de « peirasmon » par « ¨¦preuve » plutôt que
par « tentation ». Il faut constater maintenant que son emploi du verbe «
tenter » dans les versets 13 et 14 est tout ¨¤ fait juste, car, en d¨¦veloppant
sa th¨¨se, Jacques passe dans ces versets ¨¤ un usage du mot grec tout
particulier, tout sp¨¦cial. Le contexte nous indique nettement qu¡¯il aborde
maintenant la question de la tentation, de la s¨¦duction du mal.
Dans les versets 2-12 Jacques a expliqu¨¦ que l¡¯enfant de Dieu devrait regarder
les ¨¦preuves comme un des moyens dont son P¨¨re se sert pour l¡¯instruire dans la
justice, pour le rendre digne de participer ¨¤ sa saintet¨¦. Mais on peut
n¨¦anmoins regarder les ¨¦preuves d¡¯un point de vue tout diff¨¦rent, ¡ª du point de
vue de l¡¯homme qui n¡¯arrive pas ¨¤ r¨¦sister fermement ¨¤ l¡¯adversit¨¦, de l¡¯homme
qui, au lieu d¡¯¨ºtre « exerc¨¦ » par le châtiment de Dieu, succombe ¨¤ la
tentation et se d¨¦tourne de la voie de la justice. Il arrive souvent qu¡¯un tel
homme ne veuille pas se reconnaître responsable de son erreur ; il cherche
quelque autre personne ¨¤ qui il peut l¡¯attribuer ; et il ne trouve qu¡¯une seule
¡ª c¡¯est-¨¤-dire Dieu. Ainsi il reproche ¨¤ Dieu de l¡¯avoir plac¨¦ dans une
situation difficile pr¨¦cis¨¦ment pour l¡¯induire en erreur : Dieu avait dispos¨¦
les circonstances ¡ª donc le p¨¦cheur attribue la responsabilit¨¦ de ses p¨¦ch¨¦s ¨¤
Dieu.
Voil¨¤ comment raisonne souvent l¡¯homme charnel en justifiant ses p¨¦ch¨¦s. Jacques
r¨¦fute vigoureusement ce raisonnement, et d¨¦montre dans une m¨¦taphore nette et
saisissante la vraie origine de la tentation :
« Que personne, lorsqu¡¯il est tent¨¦, ne dise : C¡¯est Dieu qui me tente. Car
Dieu ne peut ¨ºtre tent¨¦ par le mal, et il ne tente lui-m¨ºme personne »
(verset 13).
Dieu ne peut ¨ºtre l¡¯auteur de la tentation : car, d¡¯abord Il est Lui-m¨ºme
enti¨¨rement juste ; il n¡¯y aucun mal en Lui ; ainsi Il ne peut ¨ºtre tent¨¦ par
le mal, n¡¯ayant en Lui aucune qualit¨¦ qui puisse se pr¨ºter ¨¤ la tentation. Ainsi,
comme Il est toujours « un » (Galates 3: 20) et fid¨¨le ¨¤ Lui-m¨ºme, il s¡¯ensuit
qu¡¯Il « ne tente lui-m¨ºme personne ». Dieu ne nous s¨¦duit point : Il ne nous
pousse jamais ¨¤ faire le mal.
D¡¯o¨´ vient donc l¡¯impulsion ¨¤ succomber devant les ¨¦preuves ? D¡¯o¨´ vient la
tentation ?
« Chacun est tent¨¦ quand il est attir¨¦ et amorc¨¦ par sa propre convoitise. Puis
la convoitise, lorsqu¡¯elle a conçu, enfante le p¨¦ch¨¦ ; et le p¨¦ch¨¦, ¨¦tant
consomm¨¦, produit la mort »
(versets 14, 15).
Remarquons d¡¯abord que Jacques ne trouve l¡¯origine de la tentation et du p¨¦ch¨¦
ni en Dieu, ni en un diable surnaturel et corporel, ni en aucun agent ext¨¦rieur
¨¤ l¡¯homme, mais justement en l¡¯homme lui-m¨ºme. Les circonstances dans
lesquelles l¡¯homme se trouve ne peuvent ¨ºtre mauvaises en elles-m¨ºmes ; elles
ne fournissent aucune impulsion envers le mal ; l¡¯impulsion s¡¯explique plutôt
par la convoitise qui demeure dans le cœur de l¡¯homme et qui c¨¨de aux
circonstances. C¡¯est ce que dit aussi J¨¦sus (Marc 7: 18-23) ;
« Rien de ce qui du dehors entre dans l¡¯homme ne peut le souiller... Ce qui
sort de l¡¯homme, c¡¯est ce qui souille l¡¯homme. Car c¡¯est du dedans, c¡¯est du
cœur des hommes que sortent les mauvaises pens¨¦es, les adult¨¨res, les
d¨¦bauches, les meurtres, les vols, les cupidit¨¦s, les m¨¦chancet¨¦s, la fraude,
le d¨¦r¨¨glement, le regard envieux, la calomnie, l¡¯orgueil, la folie. Toutes ces
choses mauvaises sortent du dedans, et souillent l¡¯homme ».
Notons maintenant les d¨¦tails de la m¨¦taphore frappante qu¡¯emploie Jacques en
exposant l¡¯origine du p¨¦ch¨¦... Elle est sugg¨¦r¨¦e par les circonstances de
l¡¯enfantement. Il se peut bien que Jacques pense ici ¨¤ la «femme ¨¦trang¨¨re » ¨¤
laquelle les Proverbes font allusion (voir, par exemple, 2: 10-19 ; 5: 1-6 ; 7:
1-27). Salomon parle, dans le chapitre 7, de ce qu¡¯il a vu de la fen¨ºtre de sa
maison : un garçon « d¨¦pourvu de sens » est abord¨¦ « par une femme ayant la
mise d¡¯une prostitu¨¦e et la ruse dans le cœur¡
« Elle le s¨¦duisit ¨¤ force de paroles,
Elle l¡¯entraîna par ses l¨¨vres doucereuses.
Il se mit tout ¨¤ coup ¨¤ la suivre,
Comme le bœuf qui va ¨¤ la boucherie,
Comme un fou qu¡¯on lie pour le châtier,
Jusqu¡¯¨¤ ce qu¡¯une fl¨¨che lui perce le foie,
Comme l¡¯oiseau qui se pr¨¦cipite dans le filet,
Sans savoir que c¡¯est au prix de sa vie »
(Proverbes 7: 6, 7, 10,21-23).
Et ¨¤ ce propos Salomon nous exhorte ¨¤ ¨¦couter les paroles de la sagesse divine
:
« Que ton cœur ne se d¨¦tourne pas vers les voies d¡¯une telle femme,
Ne t¡¯¨¦gare pas dans ses sentiers.
Car elle a fait tomber beaucoup de victimes,
Et ils sont nombreux, tous ceux qu¡¯elle a tu¨¦s.
Sa maison, c¡¯est le chemin du s¨¦jour des morts :
Il descend vers les demeures de la mort »
(versets 24-27).
Cette femme ¨¦trang¨¨re, c¡¯est le symbole de la s¨¦duction du mal, c¡¯est la
personnification de la convoitise qui habite dans le cœur humain,
personnification que l¡¯on retrouve chez Jacques (1: 14). Le garçon d¨¦pourvu de
sens est d¡¯abord abord¨¦, puis s¨¦duit et entraîn¨¦ par la femme ¨¦trang¨¨re, et
c¡¯est « au prix de sa vie », car « sa maison, c¡¯est le chemin du s¨¦jour des
morts ».
Il en est ainsi avec la convoitise : elle attire l¡¯homme et l¡¯amorce,
l¡¯entraîne ¨¤ p¨¦cher, et ainsi produit la mort. « Car le salaire du p¨¦ch¨¦, »
comme ¨¦crit Paul en faisant usage d¡¯une m¨¦taphore diff¨¦rente, « c¡¯est la mort »
(Romains 6: 23).
La m¨¦taphore de l¡¯enfantement reste tr¨¨s en relief dans les versets 16-18. Dieu
n¡¯est point mauvais, dit Jacques, mais au contraire, Il est bon et juste. Loin
d¡¯¨ºtre le P¨¨re de la tentation et du p¨¦ch¨¦, Il est l¡¯auteur de toute grâce
excellente et de tout don parfait :
« Ne vous y trompez pas, mes fr¨¨res bien-aim¨¦s : toute grâce excellente et tout
don par fait descendent d¡¯en haut »
(versets 16, 17).
De Dieu nous tirons une inspiration tout ¨¤ fait bonne. Il est le « P¨¨re des
lumi¨¨res » (verset 17) ¡ª de la lumi¨¨re mat¨¦rielle (voir Gen¨¨se 1: 3,4, 14-19),
comme de la lumi¨¨re spirituelle ; car c¡¯est l¡¯Éternel qui est notre « lumi¨¨re
et notre salut » (Psaume 27: 1), c¡¯est la parole de Dieu
« qui est une lampe ¨¤ [nos] pieds et une lumi¨¨re sur [notre] sentier»
(Psaume 119: 105).
Dieu est donc le P¨¨re des lumi¨¨res parce qu¡¯Il en est le Cr¨¦ateur. Mais Il est
aussi leur P¨¨re dans un autre sens : comme le soleil, vu de la terre, brille
plus fort que tous les autres luminaires du ciel, ainsi Dieu est la plus
¨¦minente de toutes les lumi¨¨res, mat¨¦rielles et spirituelles, de l¡¯univers. C¡¯est
la lumi¨¨re essentielle du monde, habitant
« une lumi¨¨re inaccessible, que nul homme n¡¯a vu ni ne peut voir ; ¨¤ [Lui]
appartiennent l¡¯honneur et la puissance ¨¦ternelle»
(1 Timoth¨¦e 6: 16).
La gloire du soleil et des ¨¦toiles n¡¯est pas constante ; elle s¡¯obscurcit de
temps ¨¤ autre, ¨¤ cause de r¨¦volutions et rotations, ¨¤ cause aussi des ¨¦clipses
auxquelles ils sont sujets ; mais chez Dieu
« Il n¡¯y a ni changement ni ombre de variation »
(Jacques 1: 17).
Ces deux aspects du caract¨¨re de Dieu ¡ª Sa justice et Sa constance ¡ª
fournissent ensemble une double garantie de Son attitude, et de Ses relations
avec la race humaine. Il est juste, Il est constant : par cons¨¦quent Il est
enti¨¨rement et toujours juste : Il est par Sa nature le P¨¨re de toute grâce
excellente et de tout don parfait.
C¡¯est la convoitise qui enfante le p¨¦ch¨¦. L¡¯œuvre de Dieu, c¡¯est la justice,
c¡¯est la lumi¨¨re ; et de plus
« Il nous a engendr¨¦s selon sa volont¨¦, par la parole de v¨¦rit¨¦, afin que nous
soyons en quelque sorte les pr¨¦mices de ses cr¨¦atures »
(verset 18).
C¡¯est J¨¦sus qui dit :
« En v¨¦rit¨¦, en v¨¦rit¨¦, je te le dis, si un homme ne naît de nouveau, il ne
peut voir le royaume de Dieu... Si un homme ne naît d¡¯eau et d¡¯Esprit, il ne
peut entrer dans le royaume de Dieu. Ce qui est n¨¦ de la chair est chair, et ce
qui est n¨¦ de l¡¯Esprit est esprit. Ne t¡¯¨¦tonne pas que je t¡¯aie dit : Il faut
que vous naissiez de nouveau »
(Jean 3: 3, 5-7).
Par cette renaissance nous devenons « enfants de Dieu », n¨¦s « non du sang, ni
de la volont¨¦ de la chair, ni de la volont¨¦ de l¡¯homme, mais de Dieu » (Jean 1:
12, 13) ; nous rev¨ºtons « l¡¯homme nouveau, qui se renouvelle, dans la connaissance,
selon l¡¯image de celui qui l¡¯a cr¨¦¨¦ » (Colossiens 3: 10). Loin de provoquer en
nous de mauvaises pens¨¦es et de mauvaises actions, Dieu nous a engendr¨¦s pour
participer ¨¤ Sa propre nature divine et parfaite, pour ¨ºtre « en quelque sorte
les pr¨¦mices de ses cr¨¦atures » (Jacques 1: 18).
« Les pr¨¦mices de ses cr¨¦atures » : voil¨¤ une m¨¦taphore tir¨¦e de la
description, dans L¨¦vitique 23, des trois grandes «f¨ºtes de l¡¯Éternel ». A
propos de la premi¨¨re f¨ºte nous lisons (verset 10) :
« Quand vous serez entr¨¦s dans le pays que je vous donne, et que vous y ferez
la moisson, vous apporterez au sacrificateur une gerbe, pr¨¦mices de votre
moisson ».
Lors de la deuxi¨¨me f¨ºte les Isra¨¦lites devaient apporter de leurs demeures :
« deux pains... ils seront faits avec deux dixi¨¨mes de fleur de farine, et
cuits avec du levain : ce sont les pr¨¦mices ¨¤ l¡¯Éternel »
(L¨¦vitique 23: 17).
Il y avait donc deux sortes de pr¨¦mices : le particulier (une gerbe), et la
grande foule (de nombreuses gerbes repr¨¦sent¨¦es dans les deux pains) ; et ces
pr¨¦mices constituaient le pr¨¦lude de la moisson compl¨¨te de la troisi¨¨me et
derni¨¨re f¨ºte (versets 24-36). Or, la loi, c¡¯est « une ombre des biens ¨¤ venir
» (H¨¦breux 10: 1), et nous trouvons dans 1 Corinthiens 15 l¡¯explication de ces
«f¨ºtes de l¡¯Éternel ». Paul ¨¦crit :
« Christ est ressuscit¨¦ des morts, il est les pr¨¦mices de ceux qui sont
morts... Et comme tous meurent en Adam, de m¨ºme aussi tous revivront en Christ,
mais chacun en son rang, Christ comme pr¨¦mices, puis ceux qui appartiendront ¨¤
Christ, lors de son av¨¨nement. Ensuite viendra la fin, quand il remettra le
royaume ¨¤ celui qui est Dieu et P¨¨re, apr¨¨s avoir d¨¦truit toute domination,
toute autorit¨¦ et toute puissance... afin que Dieu soit tout en tous »
(1 Cor. 15: 20, 22-24, 28).
C¡¯est donc Christ qui est la premi¨¨re gerbe annonciatrice ; ce sont « ceux qui
appartiennent ¨¤ Christ lors de son av¨¨nement » qui constituent les pr¨¦mices
nombreuses, Juifs et Grecs (deux pains), auxquelles pense Jacques quand il
¨¦crit que Dieu « nous a engendr¨¦s se!on sa volont¨¦... afin que nous soyons en
quelque sorte les pr¨¦mices de ses cr¨¦atures » (voir aussi Apocalypse 14: 1-5). Et
ces pr¨¦mices sont la garantie de la grande moisson lors de « la fin », quand
J¨¦sus « remettra le royaume ¨¤ celui qui est Dieu et P¨¨re... afin que Dieu soit
tout en tous » (voir Apocalypse 20: 1 ¨¤ 21: 8).
L¡¯instrument qu¡¯emploie Dieu pour nous engendrer, nous, les pr¨¦mices de ses
cr¨¦atures, c¡¯est « la parole de v¨¦rit¨¦ » qui renferme la sagesse divine,
servant ainsi de lampe ¨¤ nos pieds et de lumi¨¨re sur notre sentier. Pierre
¨¦crit (1 Pierre 1: 23-25) :
« Vous avez ¨¦t¨¦ r¨¦g¨¦n¨¦r¨¦s, non par une semence corruptible, mais par une
semence incorruptible, par la parole vivante et permanente de Dieu ».
Toute chair p¨¦rit comme l¡¯herbe, mais la parole du Seigneur, et ceux qu¡¯elle
r¨¦g¨¦n¨¨re, demeurent ¨¦ternellement.
5 La pratique de la Parole (1: 19-25)
« Il nous a engendr¨¦s selon sa volont¨¦, par la parole de v¨¦rit¨¦... Sachez-le,
mes fr¨¨res bien-aim¨¦s. Ainsi, que tout homme soit prompt ¨¤ ¨¦couter, lent ¨¤
parler, lent ¨¤ se mettre en col¨¨re ; car la col¨¨re de l¡¯homme n¡¯accomplit pas
la justice de Dieu »
(Jacques 1: 18-20).
C¡¯est par la parole de v¨¦rit¨¦ que Dieu nous a engendr¨¦s selon Sa volont¨¦ ; si
nous voulons ¨ºtre en v¨¦rit¨¦ « les pr¨¦mices de ses cr¨¦atures » il est donc
absolument n¨¦cessaire que nous soyons « prompts ¨¤ ¨¦couter » la parole ; c¡¯est
l¨¤ le seul moyen d¡¯apprendre quelles sont les œuvres de la chair dont nous
devons nous d¨¦barrasser, et quels sont les fruits de l¡¯Esprit que nous devons
cultiver en nous-m¨ºmes. Il faut, comme le dit Jacques plus tard (verset 21),
qu¡¯apr¨¨s notre renaissance par le bapt¨ºme nous recevions avec douceur la parole
qui a ¨¦t¨¦ plant¨¦e en nous.
Si nous sommes prompts ¨¤ ¨¦couter la parole de Dieu, nous serons par cons¨¦quent
« lents ¨¤ parler » ; car la parole nous fait savoir que la langue, tout petit
membre qu¡¯elle est, se vante de grandes choses : « c¡¯est le monde de l¡¯iniquit¨¦
» (3: 5-6). Dans son ¨¦pître Jacques traite beaucoup des mauvais usages de la langue,
de la n¨¦cessit¨¦ de la tenir en bride (voir, par exemple 1: 26 ; 2: 12 ; 3: 1-12
; 4: 11-17 ; 5: 12). Chez les Juifs c¡¯¨¦tait un trait caract¨¦ristique d¡¯employer
la langue d¡¯une mani¨¨re m¨¦chante et injurieuse ¡ª trait qui pourrait persister
chez ceux qui se convertiraient au christianisme. En exhortant les convertis
dispers¨¦s ¨¤ ¨ºtre lents ¨¤ parler, Jacques nous rappelle de nouveau, par ses
paroles, les Proverbes et l¡¯Eccl¨¦siaste : c¡¯est « la voix de l¡¯insens¨¦ », dit
l¡¯Eccl¨¦siaste (5: 2), « qui se fait entendre dans la multitude des paroles »,
et les Proverbes nous pr¨¦cautionnent :
« Celui qui veille sur sa bouche garde son âme ; Celui qui ouvre de grandes
l¨¨vres court ¨¤ sa perte... Celui qui retient ses paroles connaît la science, Et
celui qui a l¡¯esprit calme est un homme intelligent »
(Proverbes 13: 3 ; 17: 27).
« L¡¯esprit calme » : voil¨¤ une qualit¨¦ tr¨¨s souhaitable mais tr¨¨s rare, m¨ºme
parmi les enfants de Dieu. C¡¯est l¡¯esprit qui jouit de « la paix de Dieu qui
surpasse toute intelligence » (Philippiens 4: 7). C¡¯est l¡¯homme seul poss¨¦dant
un tel esprit qui sache vraiment vieillir sur sa bouche, qui sache vraiment
retenir ses paroles ; un tel homme est n¨¦cessairement « lent ¨¤ parler » ; il
est aussi « lent ¨¤ se mettre en col¨¨re » ¡ª les deux traits sont ¨¦troitement
li¨¦s dans la pens¨¦e de Jacques.
La col¨¨re peut ¨ºtre une vertu : « Dieu s¡¯irrite en tout temps » contre les
m¨¦chants (Psaume 7: 7, 10) ; bientôt Il manifestera sa col¨¨re et sa fureur «
aux yeux de la multitude des nations » (Éz¨¦chiel 38: 18-23). J¨¦sus a parl¨¦
plusieurs fois aux Pharisiens « avec indignation » (voir, par exemple, Marc 3:
5), Mais chez les hommes la col¨¨re est g¨¦n¨¦ralement l¡¯expression d¡¯une malice
charnelle, plutôt que d¡¯une indignation juste. Paul juxtapose nettement les deux
sortes de col¨¨re dans quelques versets tr¨¨s int¨¦ressants de sa lettre aux
Colossiens :
« Faites donc mourir ce qui, dans vos membres, est terrestre... C¡¯est ¨¤ cause
de ces choses que la col¨¨re de Dieu vient sur les fils de la r¨¦bellion ; c¡¯est
ainsi que vous marchiez autrefois, lorsque vous viviez dans ces p¨¦ch¨¦s. Mais
maintenant, renoncez ¨¤ toutes ces choses, ¨¤ la col¨¨re, ¨¤ l¡¯animosit¨¦, ¨¤ la
m¨¦chancet¨¦, ¨¤ la calomnie, aux paroles ¨¦quivoques qui pourraient sortir de
votre bouche »
(Colossiens 3: 5-8).
L¡¯exhortation de Jacques au sujet de la col¨¨re s¡¯applique ¨¤ ses auditeurs avec
tout autant de force que son avis contre le mauvais emploi de la langue : car
les Juifs c¨¦daient habituellement ¨¤ la col¨¨re ; ils croyaient m¨ºme faire la
volont¨¦ de Dieu en montrant de la col¨¨re et de la violence contre ce qui leur
semblait erreur ou p¨¦ch¨¦. Remarquons, ¨¤ ce propos, les paroles de Jacques et de
Jean, fils de Z¨¦b¨¦d¨¦e, ¨¤ propos des Samaritains qui n¡¯avaient pas reçu leur
Maître : « Seigneur, veux-tu que nous commandions que le feu descende du ciel
et les consume ?» (Luc 9: 54). Remarquons aussi la fureur z¨¦l¨¦e de Saul de
Tarse qui respirait « la menace et le meurtre contre les disciples du Seigneur
» (Actes 9: 1). Le commandement de Jacques aux Juifs convertis de la
dispersion, d¡¯¨ºtre « lents ¨¤ se mettre en col¨¨re », nous rappelle de nouveau
quelques paroles de l¡¯Eccl¨¦siaste (7: 9) :
« Ne te hâte pas en ton esprit de t¡¯irriter, car l¡¯irritation repose dans le
sein des insens¨¦s ».
« Que tout homme soit... lent ¨¤ se mettre en col¨¨re ; car la col¨¨re de l¡¯homme
n ¡®accomplit pas la justice de Dieu » : antith¨¨se frappante qui fait ressortir
le vif contraste entre la pens¨¦e p¨¦cheresse de l¡¯homme charnel et la justice
propre ¨¤ Dieu. La justice de Dieu, c¡¯est d¡¯abord celle qui fait essentiellement
partie de la nature de Dieu Lui-m¨ºme. Mais Dieu nous a appel¨¦s pour que nous
devenions enfin participants de cette m¨ºme nature, de cette m¨ºme justice. Certes,
c¡¯est par la grâce de Dieu que nous h¨¦ritons la nature divine : ce sont « ceux
qui reçoivent l¡¯abondance de la grâce et du don de la justice » qui r¨¦gneront
dans la vie ¡ª car la vie ¨¦ternelle et la justice qui l¡¯accompagne, sont « le
don gratuit de Dieu » (Romains 5: 17 ; 6: 23). Il faut dire que nous recevons
ce don seulement si nous essayons, d¨¨s maintenant, de d¨¦velopper en nous-m¨ºmes,
dans la mesure du possible, les traits caract¨¦ristiques de la justice que nous
voulons h¨¦riter ; et la col¨¨re de l¡¯homme, la col¨¨re charnelle, n¡¯est pas du
nombre de ces qualit¨¦s ; ainsi, elle « n¡¯accomplit pas la justice de Dieu » ¡ª
elle sert simplement ¨¤ g¨ºner en nous le d¨¦veloppement des qualit¨¦s divines.
« D¨¦sirez... le lait spirituel et pur, afin que par lui vous croissiez pour le
salut » ¡ª voici ce qu¡¯a dit Jacques, en faisant emploi d¡¯une m¨¦taphore
diff¨¦rente :
« Recevez avec douceur la parole qui a ¨¦t¨¦ plant¨¦e en vous, et qui peut sauver
vos âmes »
(Jacques 1: 21).
La figure qu¡¯emploie Jacques nous rappelle la parabole du semeur : c¡¯est par la
parole de v¨¦rit¨¦, sem¨¦e dans un cœur honn¨ºte et bon (Luc 8: 15), que l¡¯enfant
de Dieu est engendr¨¦ ; ce n¡¯est qu¡¯en recevant cette parole dans le cœur, en la
retenant, en nous soumettant ¨¤ ses influences, que nous pouvons ¨ºtre sauv¨¦s. Et
il faut la recevoir « avec douceur » ¡ª car ce sont les d¨¦bonnaires et les
humbles qui h¨¦riteront la terre :
« Je vous le dis en v¨¦rit¨¦, quiconque ne recevra pas le royaume de Dieu comme
un petit enfant n¡¯y entrera point »
(Matthieu 5: 5 ; Marc 10: 15).
Dans l¡¯argument de Jacques il y a une ¨¦troite liaison entre la th¨¨se des
versets 13-18 et celle des versets 19-25, liaison qui ressort avec force si
nous relevons dans ces versets quelques phrases fort significatives : « Il nous
a engendr¨¦s... par la parole de v¨¦rit¨¦... Recevez avec douceur la parole qui a
¨¦t¨¦ plant¨¦e en vous... Mettez en pratique la parole, et ne vous bornez pas ¨¤
l¡¯¨¦couter » (versets 18, 21, 22). Ce qui nous a engendr¨¦s, il faut la recevoir
avec douceur ; et ce que nous recevons, il faut la mettre en pratique.
Dans les versets 22-25 Jacques tient ¨¤ souligner le n¨¦cessit¨¦ de mettre en
pratique la parole. Il revient ¨¤ cette m¨ºme id¨¦e dans le chapitre 2 (versets
14-26), o¨´ il d¨¦montre qu¡¯une profession de foi sans œuvres est st¨¦rile. Remarquons
maintenant, dans le verset 22 du premier chapitre, un nouvel ¨¦cho du sermon sur
la montagne. « Mettez en pratique la parole », dit Jacques, « et ne vous bornez
pas ¨¤ l¡¯¨¦couter », dit J¨¦sus (Matthieu 7: 24-27) :
« Quiconque entend ces paroles que je dis et les met en pratique, sera
semblable ¨¤ un homme prudent qui a bâti sa maison sur le roc... Mais quiconque
entend ces paroles que je dis, et ne les met pas en pratique, sera semblable ¨¤
un homme insens¨¦ qui a bâti sa maison sur le sable ».
Oublier la n¨¦cessit¨¦ absolu de la pratique, dit Jacques, c¡¯est se tromper « par
de faux raisonnements » (1: 22) ; et il pousse ¨¤ bout la leçon en l¡¯illustrant,
¨¤ la mani¨¨re de J¨¦sus, par une similitude (versets 23-25) :
« Si quelqu¡¯un ¨¦coute la parole et ne la met pas en pratique, il est semblable
¨¤ un homme qui regarde dans un miroir son visage naturel, et qui, apr¨¨s s¡¯¨ºtre
regard¨¦, s¡¯en va, et oublie aussitôt comment il ¨¦tait. Mais celui qui aura
plong¨¦ les regards dans la loi parfaite, la loi de la libert¨¦, et qui aura
pers¨¦v¨¦r¨¦, n¡¯¨¦tant pas un auditeur oublieux, mais se mettant ¨¤ l¡¯œuvre,
celui-l¨¤ sera heureux dans son activit¨¦ ».
Un homme ne peut voir son visage naturel qu¡¯¨¤ l¡¯aide de quelque instrument, tel
un miroir, qui refl¨¨te le visage ; de m¨ºme, l¡¯homme ne peut voir sa nature
r¨¦elle qu¡¯en la regardant dans la parole de Dieu ¡ª « la loi parfaite, la loi de
libert¨¦ ». Mais on peut se regarder dans ce miroir qu¡¯est la Parole de Dieu de
deux façons tr¨¨s diff¨¦rentes : d¡¯abord, on peut se regarder, s¡¯en aller, et
oublier ce que l¡¯on est ; ou bien, on peut plonger les regards dans ce miroir
et, voyant qu¡¯on est p¨¦cheur et condamn¨¦ ¨¤ mort, on peut pers¨¦v¨¦rer et
s¡¯¨¦vertuer pour devenir h¨¦ritier de la justice divine et de la vie ¨¦ternelle. C¡¯est
cette deuxi¨¨me façon de regarder qui seule est profitable.
Le miroir, c¡¯est « la loi parfaite » ¡ª car c¡¯est la parole de Dieu dont le
Psalmiste ¨¦crit : « La loi de l¡¯Éternel est parfaite, elle restaure l¡¯âme » ;
il s¡¯ensuit que ce soit aussi « la loi de la libert¨¦ », car elle restaure l¡¯âme
; elle est la parole de v¨¦rit¨¦ dont J¨¦sus dit :
« Si vous demeurez dans ma parole, vous ¨ºtes vraiment mes disciples ; vous
connaîtrez la v¨¦rit¨¦, et la v¨¦rit¨¦ vous affranchira »
(Jean 8: 31, 32).
Par cette parole nous sommes lib¨¦r¨¦s de l¡¯esclavage du p¨¦ch¨¦ et de la mort.
De l¡¯homme qui mettra en pratique la parole, qui « aura pers¨¦v¨¦r¨¦, n¡¯¨¦tant pas
un auditeur oublieux, mais se mettant ¨¤ l¡¯œuvre », Jacques ¨¦crit : « Celui-l¨¤
sera heureux dans son activit¨¦ » ¡ª heureux, parce que cette activit¨¦, c¡¯est le
pr¨¦lude essentiel du salut de son âme.
6 La religion pure et sans tache (1: 26, 27)
Dans les versets 2 ¨¤ 25 du premier chapitre de son ¨¦pître Jacques soutient une
seule th¨¨se qu¡¯il conclut en insistant sur la n¨¦cessit¨¦ de mettre en pratique
la parole de Dieu :
« Celui qui aura plong¨¦ les regards dans la loi parfaite, la loi de la libert¨¦,
et qui aura pers¨¦v¨¦r¨¦... se mettant ¨¤ l¡¯œuvre, celui-l¨¤ sera heureux dans son
activit¨¦ »
(Jacques 1: 25).
Dans le reste de son ¨¦pître Jacques parle d¡¯une mani¨¨re plus d¨¦taill¨¦e de la
pratique de la vie chr¨¦tienne.
En passant, dans les versets 26 et 27, ¨¤ une consid¨¦ration de quelques-unes des
œuvres de l¡¯Esprit, Jacques fait usage des mots de « religieux » et de «
religion ». Dans le grec ces mots indiquent, non la pi¨¦t¨¦, non une disposition
pour les sentiments religieux, mais l¡¯observation exacte et scrupuleuse des
pratiques ext¨¦rieures, des rites et des c¨¦r¨¦monies. Paul emploie un mot de la
m¨ºme origine lorsqu¡¯il met les Colossiens (2: 18) en garde contre le « culte
des anges ». Les Juifs regardaient comme religieux l¡¯homme qui faisait tr¨¨s
attention aux rites et aux grandes f¨ºtes de la loi de Moïse, et qui ¨¦vitait les
souillures rituelles. Ils se pr¨¦occupaient tant de ces pratiques qu¡¯ils
n¨¦gligeaient ce qui ¨¦tait plus important dans la loi ¡ª la justice, la mis¨¦ricorde
et la fid¨¦lit¨¦ (Matthieu 23: 23) ¡ª et qu¡¯enfin ils n¡¯ont pas reconnu leur
Messie et leur Sauveur. C¡¯est dans l¡¯Évangile selon Jean que nous voyons
peut-¨ºtre le plus nettement l¡¯incons¨¦quence ironique de leur attitude :
« Ils conduisirent J¨¦sus de chez Caiphe au pr¨¦toire : c¡¯¨¦tait le matin. Ils
n¡¯entr¨¨rent point eux-m¨ºmes dans le pr¨¦toire, afin de ne pas se souiller, et de
pouvoir manger la Pâque »
(Jean 18: 28).
Au moment, en effet, o¨´ ils allaient se souiller de façon flagrante avec le
sang de leur Messie, ils ne se pr¨¦occupaient que d¡¯une souillure rituelle et
technique. Telle ¨¦tait leur id¨¦e d¡¯une religion pure et sans tache.
Il est ¨¦vident que les Juifs convertis de la dispersion pourraient bien
persister dans une telle id¨¦e, m¨ºme apr¨¨s le bapt¨ºme. Mais d¨¦j¨¤ Jacques a
insist¨¦ (versets 14,15) que ce qui souille vraiment l¡¯homme, c¡¯est ce qui sort
de l¡¯homme. Car, comme l¡¯a dit J¨¦sus,
« c¡¯est du dedans, c¡¯est du cœur des hommes, que sortent les mauvaises pens¨¦es,
les adult¨¨res, les d¨¦bauches, les meurtres, les vols, les cupidit¨¦s, les
m¨¦chancet¨¦s, la fraude, le d¨¦r¨¨glement, le regard envieux, la calomnie,
l¡¯orgueil, la folie. Toutes ces choses mauvaises sortent du dedans, et
souillent l¡¯homme »
(Marc 7: 21-23).
J¨¦sus a condamn¨¦ les pharisiens qui nettoyaient le dehors de la coupe et du
plat tandis que leur int¨¦rieur ¨¦tait « plein de rapine et de m¨¦chancet¨¦ » (Luc
11: 39). Ainsi la religion pure et sans tache devant Dieu ¡ª c¡¯est-¨¤-dire une
vraie mise en pratique de sa foi ¡ª consiste ¨¤ renoncer ¨¤ ces v¨¦ritables
souillures qui sortent de nos cœurs, et ¨¤ manifester dans notre vie les œuvres
de l¡¯Esprit, telles que la mis¨¦ricorde, l¡¯humilit¨¦ et la justice. En effet,
Jacques veut dans ces versets rappeler au souvenir de ses auditeurs
l¡¯instruction de Mich¨¦e (6: 5-8) :
« Avec quoi me pr¨¦senterai-je devant l¡¯Éternel,
Pour m¡¯humilier devant le Dieu Tr¨¨s-Haut ?
Me pr¨¦senterai-je avec des holocaustes,
Avec des veaux d¡¯un an ?
L¡¯Éternel agr¨¦era-t-il des milliers de b¨¦liers,
Des myriades de torrents d¡¯huile ?
Donnerai-je pour mes transgressions mon premier-n¨¦,
Pour le p¨¦ch¨¦ de mon âme le fruit de mes entrailles ?
On t¡¯a fait connaître, ô homme, ce qui est bien ;
Et ce que l¡¯Éternel demande de toi,
C¡¯est que tu pratiques la justice,
Que tu aimes la mis¨¦ricorde,
Et que tu marches humblement avec ton Dieu ».
Et d¡¯abord, dit Jacques,
« Si quelqu¡¯un croit ¨ºtre religieux, sans tenir sa langue en bride, mais en
trompant son cœur, la religion de cet homme est vaine »
(1: 26).
Nous avons not¨¦ dans notre chapitre pr¨¦c¨¦dent que Jacques traite beaucoup des
mauvais usages de la langue, de la n¨¦cessit¨¦ de la tenir en bride ¡ª chose tout
¨¤ fait naturelle, eu ¨¦gard ¨¤ l¡¯habitude des Juifs (et, par cons¨¦quent,
probablement de ses auditeurs) d¡¯employer la langue d¡¯une mani¨¨re injurieuse. Devant
Dieu un tel emploi de la langue souille v¨¦ritablement la vie de l¡¯homme :
« La langue... c¡¯est le monde de l¡¯iniquit¨¦. La langue est plac¨¦e parmi nos
membres, souillant tout le corps, et enflammant le cours de la vie, ¨¦tant elle-m¨ºme
enflamm¨¦e par la g¨¦henne »
(3:6).
La religion pure et sans tache demande, donc, que nous tenions en bride un
membre tellement dangereux.
Constatons, en passant, que Jacques se rend bien compte de la facilit¨¦ avec
laquelle l¡¯homme peut se tromper ¨¤ propos de son ¨¦tat spirituel. Nous pouvons
nous tromper en attribuant ¨¤ Dieu la responsabilit¨¦ de nos p¨¦ch¨¦s:
« Ne vous y trompez pas... toute grâce excellente et tout don par fait
descendent d¡¯en haut »
(versets 16, 17) ;
nous nous trompons « par de faux raisonnements » (verset 22) si nous nous
bornons ¨¤ ¨¦couter la parole, ne la mettant jamais en pratique ; et de m¨ºme nous
nous trompons si nous croyons ¨ºtre religieux « sans tenir la langue en bride »
(verset 26). L¡¯homme peut en v¨¦rit¨¦ se tromper tr¨¨s facilement ; mais ce qu¡¯il
doit toujours reconnaître, c¡¯est que l¡¯on ne saurait tromper Dieu :
« Ne vous y trompez pas : on ne se moque pas de Dieu. Ce qu¡¯un homme aura sem¨¦,
il le moissonnera aussi »
(Galates 6:7).
J¨¦r¨¦mie dit (17:9, 10) :
« Le cœur est tortueux par-dessus tout, et il est m¨¦chant :
Qui peut le connaître ?
Moi, l¡¯Éternel, j¡¯¨¦prouve le cœur, je sonde les reins,
Pour rendre ¨¤ chacun selon ses voies,
Selon le fruit de ses œuvres » .
« La religion pure et sans tache, devant Dieu notre P¨¨re, consiste ¨¤ visiter
les orphelins et les veuves dans leur affliction »
(Jacques 1: 27).
L¡¯Écriture ¨¦voque l¡¯orphelin et la veuve comme les exemples extr¨ºmes de besoin
et d¡¯affliction. Job, en se d¨¦fendant contre les critiques de ses trois amis, a
dit (29: 12, 13) :
« ... je sauvais le pauvre qui implorait du secours,
El l¡¯orphelin qui manquait d¡¯appui.
La b¨¦n¨¦diction du malheureux venait sur moi ;
Je remplissais de joie le cœur de la veuve ».
Et plus tard (31: 16, 17, 21, 22) :
« Si j¡¯ai refus¨¦ aux pauvres ce qu¡¯ils demandaient,
Si j¡¯ai fait languir les yeux de la veuve,
Si j¡¯ai mang¨¦ seul mon pain,
Sans que l¡¯orphelin en ait eu sa part...
Si j¡¯ai lev¨¦ la main contre l¡¯orphelin,
Parce que je me sentais un appui dans les juges ;
Que mon ¨¦paule se d¨¦tache de sa jointure,
Que mon bras tombe et qu¡¯il se brise ! ».
Il incombe donc ¨¤ celui qui professe une religion pure et sans tache de visiter
ceux qui sont afflig¨¦s, comme les orphelins et les veuves.
Le mot de « visiter » signifie dans le grec beaucoup plus qu¡¯une simple visite
¡ª il indique une visite et une surveillance inspir¨¦es d¡¯une vraie sollicitude. C¡¯est
le mot qu¡¯emploie Luc en faisant allusion (Luc 1: 68, 78 ; 7: 16) ¨¤ la
naissance et au minist¨¨re de J¨¦sus : Dieu avait « visit¨¦ son peuple » en leur
envoyant Son Fils unique pour les sauver de leurs p¨¦ch¨¦s (voir Matthieu 1:21);
Il avait visit¨¦ Son peuple, comme l¡¯a dit Zacharie, pour les racheter. Cette
visite a t¨¦moign¨¦ donc de l¡¯int¨¦r¨ºt, de la sympathie et de l¡¯amour de Dieu pour
le monde. Et lorsque Jacques nous exhorte ¨¤ visiter les orphelins et les veuves
il veut dire que nous devons nous int¨¦resser vivement ¨¤ la n¨¦cessit¨¦ de nos
fr¨¨res et sœurs, que nous devons les aider sympathiquement dans leurs
afflictions. C¡¯est un principe d¨¦j¨¤ ¨¦tabli par J¨¦sus (Matthieu 25: 31-46) : aux
justes qu¡¯il recevra dans son royaume, il dira :
« Venez, vous qui ¨ºtes b¨¦nis de mon P¨¨re ; prenez possession du royaume qui
vous a ¨¦t¨¦ pr¨¦par¨¦ d¨¨s la fondation du monde. Car j¡¯ai eu faim, et vous m¡¯avez
donn¨¦ ¨¤ manger ; j¡¯ai eu soif, et vous m¡¯avez donn¨¦ ¨¤ boire ; j¡¯¨¦tais ¨¦tranger,
et vous m¡¯avez recueilli ; j¡¯¨¦tais nu, et vous m¡¯avez v¨ºtu ; j¡¯¨¦tais malade, et
vous m¡¯avez rendu visite ; j¡¯¨¦tais en prison, et vous ¨ºtes venus vers moi... Je
vous le dis en v¨¦rit¨¦, toutes les fois que vous avez fait ces choses ¨¤ l¡¯un de
ces plus petits de mes fr¨¨res, c¡¯est ¨¤ moi que vous les avez faites »,
Paul ¨¦crit (Galates 6: 2) :
« Portez les fardeaux les uns des autres, et vous accomplirez ainsi la loi de
Christ ».
« La religion pure et sans tache, devant Dieu notre P¨¨re, consiste ¨¤... se
pr¨¦server des souillures du monde »
(Jacques 1: 27).
La difficult¨¦ essentielle de la vie chr¨¦tienne, c¡¯est de cultiver les fruits de
l¡¯Esprit dans un corps qui reste humain et p¨¦cheur, et qui, d¡¯ailleurs, habite
un monde presque enti¨¨rement abandonn¨¦ ¨¤ l¡¯accomplissement des convoitises de
la chair ¡ª un monde dont les habitants d¡¯une g¨¦n¨¦ration pass¨¦e
« mangeaient, buvaient, se mariaient et mariaient leurs enfants, jusqu¡¯au jour
o¨´ No¨¦ entra dans l¡¯arche; le d¨¦luge vint, et les fit tous p¨¦rir »
(Luc 17:27).
Il se peut bien, comme nous l¡¯avons d¨¦j¨¤ not¨¦, que les Juifs convertis de la
dispersion aient persist¨¦ ¨¤ se pr¨¦occuper des souillures rituelles. Jacques
leur ¨¦crit que le chr¨¦tien devrait s¡¯inqui¨¦ter plutôt des souillures qui
proviennent de son intimit¨¦ avec le monde.
On ne peut pas ¨¦viter absolument tout contact avec le monde : Paul ¨¦crit aux
Corinthiens (1 Corinthiens 5: 9, 10) :
« Je vous ai ¨¦crit dans ma lettre de ne pas avoir de relations avec les
d¨¦bauch¨¦s, non pas d¡¯une mani¨¨re absolue avec les d¨¦bauch¨¦s de ce monde, ou
avec les cupides et les ravisseurs, ou avec les idolâtres ; autrement il vous
faudrait sortir du monde ».
Mais ce qui est n¨¦cessaire, c¡¯est que nous reconnaissions qu¡¯entre les voies de
Dieu et les voies de ce monde il y a un grand abîme ; c¡¯est qu¡¯il faut
proclamer, tant par nos paroles que par nos actions, les voies de Dieu ; il
faut refuser absolument de nous allier aux id¨¦es et ¨¤ la pratique du monde. A
Timoth¨¦e (1 Timoth¨¦e 5: 22) Paul a ¨¦crit :
« Ne participe pas aux p¨¦ch¨¦s d¡¯autrui ; toi-m¨ºme conserve-toi pur » ;
et aux Romains :
« Ne vous conformez pas au si¨¨cle pr¨¦sent, mais soyez transform¨¦s par le
renouvellement de l¡¯intelligence, afin que vous discerniez quelle est la
volont¨¦ de Dieu, ce qui est bon, agr¨¦able et parfait »
(Romains 12: 2).
Avant son arrestation, J¨¦sus a fait cette pri¨¨re pour ses disciples :
« Je leur ai donn¨¦ ta parole ; et le monde les a haïs, parce qu¡¯ils ne sont pas
du monde, comme moi je ne suis pas du monde. Je ne te prie pas de les ôter du
monde, mais de les pr¨¦server du mal. Ils ne sont pas du monde, comme moi je ne
suis pas du monde. Sanctifie-les par ta v¨¦rit¨¦: ta parole est la v¨¦rit¨¦ »
(Jean 17: 14-17).
Et Jacques revient ¨¤ cette th¨¨se avec encore plus de force dans le chapitre 4
de son ¨¦pître (au verset 4) :
« Adult¨¨res que vous ¨ºtes ! ne savez-vous pas que l¡¯amour du monde est inimiti¨¦
contre Dieu ? Celui donc qui veut ¨ºtre ami du monde se rend ennemi de Dieu ».
7 L¡¯acception de personnes (2: 1-7)
Nous passons maintenant ¨¤ la consid¨¦ration d¡¯un autre aspect de la pratique de
la vie chr¨¦tienne. En l¡¯introduisant, Jacques fait usage de l¡¯expression « Mes
fr¨¨res » ¡ª expression qui s¡¯emploie comme mode d¡¯adresse quinze fois dans cette
¨¦pître, c¡¯est-¨¤-dire plus souvent que dans toute autre ¨¦pître du Nouveau
Testament, except¨¦ 1 Corinthiens, qui est beaucoup plus longue. Cette locution
est fort ¨¤ propos dans cette ¨¦pître, eu ¨¦gard au grand nombre d¡¯exhortations
qui y pr¨¦conisent l¡¯amour fraternel. Souvent, comme dans ces versets,
l¡¯expression introduit imm¨¦diatement une exhortation telle que celle-ci :
« Mes fr¨¨res, que votre foi en notre glorieux Seigneur J¨¦sus-Christ soit
exemple de toute acception de personnes » (Éd. de Gen¨¨ve, 1979: « de tout
favoritisme »)
(Jacques 2: 1).
Pour « en notre glorieux Seigneur J¨¦sus-Christ » il faut lire : « en notre
Seigneur J¨¦sus-Christ, en [celui qui est] la Gloire». Ésaïe, proph¨¦tisant
l¡¯av¨¨nement de J¨¦sus, dit (40: 5) :
« Alors la gloire de l¡¯Éternel sera r¨¦v¨¦l¨¦e,
Et au m¨ºme instant toute chair la verra ».
Jean dit :
« Et la parole a ¨¦t¨¦ faite chair, et elle a habit¨¦ parmi nous, pleine de grâce
et de v¨¦rit¨¦ ; et nous avons contempl¨¦ sa gloire, une gloire comme la gloire du
Fils unique venu du P¨¨re »
(Jean 1: 14).
Dans le temple Sim¨¦on a d¨¦crit l¡¯enfant J¨¦sus :
« Lumi¨¨re pour ¨¦clairer les nations,
Et gloire d¡¯Israël, ton peuple »
(Luc 2: 32).
Paul parle de Dieu comme du « P¨¨re de gloire » (Éph¨¦siens 1: 17), et Pierre
¨¦crit (1 Pierre 4: 14):
« Si vous ¨ºtes outrag¨¦s pour le nom de Christ, vous ¨ºtes heureux, parce que
l¡¯Esprit de gloire, l¡¯Esprit de Dieu, repose sur vous ».
De la nouvelle J¨¦rusalem, Jean dit :
« La ville n¡¯a besoin ni du soleil ni de la lune pour l¡¯¨¦clairer ; car la
gloire de Dieu l¡¯¨¦clair¨¦, et l¡¯Agneau est son flambeau »
(Apocalypse 21: 23).
J¨¦sus est le Chemin, il est la V¨¦rit¨¦, il est la Vie ; et de plus il est la
Gloire, car en lui est manifest¨¦e la gloire de son P¨¨re. Il est bien ¨¦vident
que les disciples du premier si¨¨cle faisaient allusion ¨¤ J¨¦sus sous plusieurs
noms : il ¨¦tait le Seigneur, le Christ, le Sauveur ; il ¨¦tait aussi la Gloire.
Notre foi en J¨¦sus devrait donc ¨ºtre exempte de toute acception de personnes ;
car devant celui qui est « la Gloire », en qui est manifest¨¦e la gloire de Dieu
Lui-m¨ºme, que signifient les distinctions ext¨¦rieures de race et de situation
sociale ?
« Dieu ne fait point acception de personnes (favoritisme) »,
dit Pierre,
« mais [¡] en toute nation celui qui le craint et qui pratique la justice lui
est agr¨¦able »
(Actes 10: 34) ;
(voir aussi Romains 2: 11 ; Éph¨¦siens 6: 9).
Et m¨ºme les ennemis de J¨¦sus reconnaissaient qu¡¯en ceci il ressemblait ¨¤ Dieu :
les pharisiens et les h¨¦rodiens vinrent lui dire :
« Maître, nous savons que tu es vrai, et que tu ne t¡¯inqui¨¨tes de personne ;
car tu ne regardes pas ¨¤ l¡¯apparence des hommes »
(Marc 12: 14).
L¡¯homme regarde souvent ¨¤ ce qui frappe les yeux, mais l¡¯Éternel regarde au
cœur. Faire acception de personnes c¡¯est regarder ¨¤ la condition ext¨¦rieure
plutôt qu¡¯au m¨¦rite essentiel.
J¨¦sus a souvent condamn¨¦ l¡¯attitude des scribes et des pharisiens ¨¤ cet ¨¦gard:
« Ils font toutes leurs actions pour ¨ºtre vus des hommes. Ainsi, ils portent de
larges phylact¨¨res, et ils ont de longues franges ¨¤ leurs v¨ºtements ; ils
aiment la premi¨¨re place dans les festins, et les premiers si¨¨ges dans les
synagogues ; ils aiment ¨¤ ¨ºtre salu¨¦s dans les places publiques, et ¨¤ ¨ºtre
appel¨¦s par les hommes Rabbi, Rabbi »
(Matthieu 23:5-7).
« Ils aiment [...] les premiers si¨¨ges dans les synagogues » ¡ª voil¨¤ l¡¯id¨¦e que
Jacques va d¨¦velopper dans les versets 2 ¨¤ 4 :
« Supposez, en effet, qu¡¯il entre dans votre assembl¨¦e un homme avec un anneau
d¡¯or et un habit magnifique, et qu¡¯il y entre aussi un pauvre mis¨¦rablement
v¨ºtu ; si, tournant vos regards vers celui qui porte l¡¯habit magnifique, vous
lui dites : Toi, assieds-toi ici ¨¤ cette place d¡¯honneur ! et si vous dites au
pauvre : Toi, tiens-toi l¨¤ debout ! ou bien : Assieds-toi au-dessous de mon marchepied
! ne faites-vous pas en vous-m¨ºmes une distinction, et n¡¯¨ºtes-vous pas des
juges aux pens¨¦es mauvaises ?»
De nouveau nous remarquons que la faute fl¨¦trie par Jacques c¡¯est une faute
propre aux Juifs comme peuple, faute dans laquelle ils pourraient bien
persister dans leur nouvelle vie de chr¨¦tiens. En se pr¨¦occupant des souillures
ext¨¦rieures plutôt que des souillures essentielles, ses auditeurs pourraient
bien m¨¦priser le pauvre qui se pr¨¦sentait dans leur synagogue « mis¨¦rablement
v¨ºtu ». Mais en agissant ainsi ils faisaient en eux-m¨ºmes une distinction ; ils
manifestaient ces doutes, cette irr¨¦solution, cette inconstance que Jacques a
d¨¦j¨¤ fl¨¦tris si rigoureusement (1: 6-7). Ils essayaient, en effet, d¡¯adorer la
gloire de Dieu manifest¨¦e en J¨¦sus en m¨ºme temps qu¡¯ils adoraient la gloire
fugitive des richesses humaines. Mais,
« Nul ne peut servir deux maîtres... Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon
»
(Matthieu 6: 24).
Notons, en passant, que dans le grec le mot d¡¯assembl¨¦e signifie synagogue. En
g¨¦n¨¦ral les apôtres emploient le mot d¡¯eccl¨¦sia pour indiquer l¡¯ensemble des
disciples et aussi pour indiquer l¡¯endroit o¨´ ils se r¨¦unissaient pour adorer
Dieu ; mais Jacques, tout en employant eccl¨¦sia pour indiquer la r¨¦union des
disciples (voir 5: 14 ¡ª « ¨¦glise »), fait usage de synagogue pour qualifier le
lieu d¡¯assembl¨¦e. Cet usage indique l¡¯origine juive de ses auditeurs et aussi,
probablement, la date primitive de l¡¯¨¦pître.
En faisant des distinctions entre les riches et les pauvres, dit Jacques, ses
auditeurs se constituaient des juges ; ils oubliaient qu¡¯
« un seul est l¨¦gislateur et juge, c¡¯est celui qui peut sauver et perdre
»
(4: 12) ;
ainsi ils s¡¯arrogeaient ¨¤ eux-m¨ºmes une fonction r¨¦serv¨¦e ¨¤ Dieu seul. Ils
¨¦taient doublement condamn¨¦s parce que la base de leur jugement ¨¦tait
charnelle: ils jugeaient sous l¡¯inspiration de « pens¨¦es mauvaises »; et, de
plus, comme Jacques va maintenant le leur d¨¦montrer, par leur attitude ils
couraient le risque de lutter contre Dieu.
« Écoutez, mes fr¨¨res bien-aim¨¦s : Dieu n¡¯a-t-il pas choisi les pauvres aux
yeux du monde, pour qu¡¯ils soient riches en la foi, et h¨¦ritiers du royaume
qu¡¯il a promis ¨¤ ceux qu¡¯il aime ? »
(Jacques 2: 5).
La pens¨¦e de Jacques ressemble beaucoup ¨¤ celle de Paul dans 1 Corinthiens (1:
27-29) :
« Dieu a choisi les choses folles du monde pour confondre les sages ; Dieu a
choisi les choses faibles du monde pour confondre les fortes ; et Dieu a choisi
les choses viles du monde et celles qu¡¯on m¨¦prise, celles qui ne sont point, pour
r¨¦duire ¨¤ n¨¦ant celles qui sont, afin que personne ne se glorifie devant Dieu
».
Ce n¡¯est point aux richesses de ce monde que Dieu attache du prix, mais plutôt
¨¤ une richesse de foi. C¡¯est ¨¤ l¡¯homme seul qui sache demander « avec foi, sans
douter » que Dieu donnera la sagesse divine (1:6) sans laquelle nul ne peut
entrer dans la vie ; ce sont de tels hommes seuls qui seront « h¨¦ritiers du
royaume qu¡¯il a promis ¨¤ ceux qui l¡¯aiment ». Ici Jacques r¨¦p¨¨te une expression
qu¡¯il a d¨¦j¨¤ employ¨¦e dans le verset 12 du premier chapitre ; et, comme dans ce
verset-l¨¤, il fait allusion ¨¤ une promesse formelle du Seigneur :
« Heureux vous qui ¨ºtes pauvres, car le royaume de Dieu est ¨¤ vous »
(Luc 6: 20) ;
(voir aussi Matthieu 5: 3, 10 ; Luc 12: 31, 32).
Dans ce verset c¡¯est de la promesse du royaume que Jacques fait mention ; dans
1: 12 c¡¯est la promesse de la vie ; et ces deux promesses constituent le fond
de l¡¯espoir chr¨¦tien ¡ª espoir de la vie ¨¦ternelle dans le royaume de Dieu.
« Dieu n¡¯a-t-il pas choisi les pauvres...? Et vous, vous avilissez le pauvre
»
(Jacques 2: 6).
En faisant acception de personnes, en regardant au riche tout en m¨¦prisant le
pauvre, on s¡¯oppose aux desseins et aux voies de Dieu Lui-m¨ºme. Ainsi on m¨¦rite
bien la condamnation du proverbe (Proverbes 14: 20, 21) :
« Le pauvre est odieux m¨ºme ¨¤ son ami,
Mais les amis du riche sont nombreux.
Celui qui m¨¦prise son prochain commet un p¨¦ch¨¦,
Mais heureux celui qui a piti¨¦ des mis¨¦rables ! »
Les disciples auxquels ¨¦crivait Jacques devaient ¨¦viter toute acception de
personnes et ne pas honorer excessivement les riches, et ceci pour une autre
raison :
« N¡¯est-ce pas les riches (comme classe) qui vous oppriment, et qui vous
traînent devant les tribunaux ? N¡¯est-ce pas eux qui outragent le beau nom que
vous portez ? »
(Jacques 2: 6, 7).
Dans les Actes nous voyons que les Juifs qui devenaient disciples de Christ
¨¦taient souvent pers¨¦cut¨¦s par ceux qui ne croyaient pas, et surtout par la
haute classe et par les anciens (voir, par exemple, Actes 4: 1-6 ; 5: 17 ; 13:
50). Souvent on les traînait devant les tribunaux et, ¨¤ l¡¯instar de Saul de
Tarse, les jetait en prison (Actes 8: 3 ; 9: 1, 2, 13, 14). Et fort souvent les
Juifs incroyants se livraient ¨¤ des injures (Actes 13: 45 ; 18: 6 ; 1 Timoth¨¦e
l: 13 ; voir aussi Actes 26: 11).
« Le beau nom que vous portez » ¡ª On ferait mieux de traduire cette derni¨¨re
expression par « qui a ¨¦t¨¦ invoqu¨¦ sur vous ». Le beau nom de Dieu tut
plusieurs fois invoqu¨¦ sur le peuple d¡¯Israël, et toujours l¡¯action indiquait
la cons¨¦cration du peuple au service de Dieu (voir, par exemple, Deut¨¦ronome
28: 10 ; 2 Chroniques 7 : 14 ; J¨¦r¨¦mie 14: 9). Amos pr¨¦dit le jour o¨´ le beau
nom sera invoqu¨¦ sur les païens (9: 12), en faisant allusion ¨¤ « toutes les
nations sur lesquelles mon nom a ¨¦t¨¦ invoqu¨¦ ».
Il est bien significatif que cette expression ne se trouve que deux fois dans
le Nouveau Testament : une fois dans ce verset m¨ºme de l¡¯¨¦pître de Jacques, et
l¡¯autre fois dans le discours de Jacques dans Actes 15 o¨´ il cite Amos 9: 12,
rapportant ce dernier passage ¨¤ l¡¯appel des païens (versets 14-18). ¡ª Nouvelle
petite concordance qui nous aide ¨¤ identifier l¡¯auteur de l¡¯¨¦pître avec «
Jacques, le fr¨¨re du Seigneur » dont il est question dans Actes 15.
Le beau nom qu¡¯outrageaient les Juifs riches et incroyants ¨¦tait donc le nom de
J¨¦sus-Christ, qui est invoqu¨¦ sur chacun de ses disciples au moment o¨´ il se
consacre au service de son Maître par le bapt¨ºme (voir Actes 2: 38 ; 8: 16 ;
10: 48).
8 La Loi Royale (2: 8-13)
Entre la th¨¨se des versets 1-7 et celle des versets 8-13 de Jacques 2 il y a un
lien ¨¦troit que l¡¯on n¡¯aperçoit pourtant qu¡¯avec difficult¨¦ ; dans le grec
cette liaison est indiqu¨¦e par le mot de mentoi au commencement du verset 8,
mot que Segond ne traduit pas et qui veut dire cependant. En effet, Jacques
suppose que quelques-uns de ses auditeurs aillent justifier leur respect pour
les riches en disant que la parole de Dieu leur ordonnait d¡¯aimer leurs
prochains (y compris les riches) comme eux-m¨ºmes :
« Si, (cependant), vous accomplissez la loi royale, selon l¡¯Écriture : Tu
aimeras ton prochain comme toi-m¨ºme, vous faites bien »
(Jacques 2: 8).
« La loi royale » : beaucoup des r¨¨glements de la loi de Moïse ne poss¨¦daient
qu¡¯une signification passag¨¨re, mais certains des commandements faisaient
partie de la loi permanente qui r¨¨gle les relations entre l¡¯homme et Dieu. C¡¯est
¨¤ cette loi-ci que Jacques fait allusion comme ¨¤ « la loi royale » ¡ª royale
d¡¯abord parce qu¡¯elle provient de Celui qui est le « bienheureux et seul
souverain, le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs » (1 Timoth¨¦e 6: 15),
et qui nous a appel¨¦s ¨¤ ¨ºtre pour Lui « une nation sainte, un peuple acquis »
(1 Pierre 2: 9) ; royale aussi parce que cette loi a ¨¦t¨¦ adopt¨¦e et confirm¨¦e,
comme base de son ¨¦vangile, par J¨¦sus ¡ª par ce m¨ºme J¨¦sus que Dieu a choisi
pour ¨ºtre le roi du royaume dont Jacques vient de parler dans le verset 5.
L¡¯un des commandements les plus importants de cette loi royale se trouve dans
L¨¦vitique 19: 18 :
« Tu aimeras ton prochain comme toi-m¨ºme ».
J¨¦sus parle de ce commandement (Matthieu 22: 39) comme du second des deux plus
grands commandements de la loi. « Si, en montrant du respect pour les riches,
vous tenez vraiment ¨¤ accomplir un commandement important de la loi royale, dit
Jacques ¨¤ ses auditeurs, tr¨¨s bien ! » (On sent ici un peu d¡¯ironie.) ¡ª « Tr¨¨s
bien ! », mais il faut remarquer, dit Jacques, que ce commandement s¡¯applique
tout autant aux pauvres qu¡¯aux riches ; on ne doit pas faire des distinctions
en l¡¯accomplissant ; on ne doit pas l¡¯accomplir ¨¤ l¡¯¨¦gard des riches tout en
m¨¦connaissant les pauvres ! Agir comme cela, c¡¯est faire acception de personnes
; et :
« Si vous faites du favoritisme, vous commettez un p¨¦ch¨¦, vous ¨ºtes condamn¨¦s
par la loi comme des transgresseurs »
(verset 9).
La loi royale qui exige l¡¯amour de son prochain dans L¨¦vitique 19: 18 condamne
dans le verset 15 du m¨ºme chapitre toute acception de personnes, comme
contraire ¨¤ la nature et aux voies de Dieu :
« Tu ne commettras point d¡¯iniquit¨¦ dans tes jugements : tu n¡¯auras point ¨¦gard
¨¤ la personne du pauvre, et tu ne favoriseras point la personne du grand, mais
tu jugeras ton prochain selon la justice ».
Jacques d¨¦clare, et avec raison, que
« Quiconque observe toute la loi, mais p¨¨che contre un seul commandement,
devient coupable de tous »
(verset 10) ;
il d¨¦montre cette v¨¦rit¨¦ en citant deux autres commandements de la loi royale :
« En effet, celui qui a dit : tu ne commettras point d¡¯adult¨¨re, a dit aussi :
lu ne tueras point. Or, si tu ne commets point d¡¯adult¨¨re, mais que tu
commettes un meurtre, tu deviens transgresseur de la loi »
(verset 11).
De m¨ºme, si nous faisons profession d¡¯aimer notre prochain, tout en faisant
acception de personnes, nous devenons de ce fait transgresseurs de la loi ¡ª la
loi royale.
On peut noter en passant que l¡¯expression « vous faites bien » ou « tr¨¨s bien »
du verset 8 se trouve aussi dans le grec d¡¯Actes 15: 29 (« vous trouverez bien
») ¡ª c¡¯est-¨¤-dire dans la lettre envoy¨¦e aux fr¨¨res d¡¯entre les païens, et
r¨¦dig¨¦e tout probablement par Jacques, « le fr¨¨re du Seigneur ».
Jacques termine sa th¨¨se sur l¡¯acception de personnes en rappelant au souvenir
de ses auditeurs (versets 12 et 13) qu¡¯ils allaient comparaître tous un jour
devant le tribunal de Dieu (voir Rom. 14: 10 ; 2 Cor. 5: 10). Dans ce jour-l¨¤
ils seraient tous jug¨¦s selon la loi royale, la loi de la libert¨¦ (voir 1: 25
et nos remarques l¨¤-dessus) ; il fallait donc parler et agir comme l¡¯exigeait
cette loi (verset 12), il fallait ¨¦viter toute acception de personnes. L¡¯insistance
de Jacques sur l¡¯importance de s œuvres et des paroles est tout ¨¤ fait
caract¨¦ristique de sa lettre, et nous rappelle de nouveau les paroles de J¨¦sus
(Matt. 7: 21 ; 12: 36,37) :
« Ceux qui me disent : Seigneur, Seigneur ! n¡¯entreront pas tous dans le
royaume des deux, mais seulement celui qui fait la volont¨¦ de mon P¨¨re qui est
dans les deux » ;
« Je vous le dis : au jour du jugement, les hommes rendront compte de toute
parole vaine qu¡¯ils auront prof¨¦r¨¦e. Car par tes paroles tu seras justifi¨¦, et
par tes paroles tu seras condamn¨¦ ».
Dans ses relations avec la race humaine, Dieu se manifeste surtout comme un
Dieu mis¨¦ricordieux et plein de grâce : Il est
« L¡¯Éternel, l¡¯Éternel, Dieu mis¨¦ricordieux et compatissant, lent ¨¤ la col¨¨re,
riche en bont¨¦ et en fid¨¦lit¨¦ »
(Exode 34: 6).
C¡¯est dans Sa mis¨¦ricorde qu¡¯Il nous a donn¨¦ un Sauveur ; c¡¯est dans Sa
mis¨¦ricorde qu¡¯Il nous jugera « au jour du jugement » ¡ª mais ¨¤ condition que
nous nous montrions mis¨¦ricordieux ¨¤ notre tour :
« Avec celui qui est bon tu te montres bon »
(Ps. 18: 26) ;
« Heureux les mis¨¦ricordieux,
car ils obtiendront mis¨¦ricorde ! »
(Matthieu 5: 7).
Dans la parabole du serviteur impitoyable, nous apprenons le destin de l¡¯homme
qui ne se montre pas mis¨¦ricordieux (voir Matthieu 18: 23-35). Or, faire
acception de personnes, c¡¯est le contraire de se montrer mis¨¦ricordieux envers
son prochain ; en effet, c¡¯est l¡¯homme qui vient parmi nous « mis¨¦rablement
v¨ºtu » qui a surtout besoin de notre aide et de notre bont¨¦.
« Parlez et agissez comme devant ¨ºtre jug¨¦s par une loi de libert¨¦, car le
jugement est sans mis¨¦ricorde pour qui n¡¯a pas fait mis¨¦ricorde »
(Jacques 2: 12, 13).
Mais, d¡¯autre part :
« La mis¨¦ricorde triomphe du jugement »
(verset 13),
c¡¯est-¨¤-dire, du jugement non favorable et qui est condamnation. Dieu pr¨¦f¨¨re
toujours manifester Sa bont¨¦ plutôt que Sa col¨¨re: et pour ceux qui auront fait
preuve de mis¨¦ricorde la mis¨¦ricorde de Dieu triomphera du jugement.
9 La Foi et les Œuvres (2:
14-26)
Dans les versets 2-25 du premier chapitre de sa lettre, Jacques soutient une
th¨¨se continue qui se termine par une forte insistance sur la n¨¦cessit¨¦ de
mettre en pratique la parole. Dans les versets suivants, jusqu¡¯au verset 13 du
deuxi¨¨me chapitre, il traite de certaines œuvres qui sont le fruit d¡¯ob¨¦issance
¨¤ la parole. La consid¨¦ration de ces œuvres est reprise dans le chapitre 3 ;
mais les versets 14-26 du deuxi¨¨me chapitre constituent en quelque sorte une
parenth¨¨se dans laquelle Jacques insiste de nouveau sur l¡¯importance, d¨¦j¨¤
d¨¦montr¨¦e dans le premier chapitre, de mettre en pratique la parole. Il y a
n¨¦anmoins une liaison ¨¦troite entre la pens¨¦e de ces versets et celle des
versets pr¨¦c¨¦dents, et Jacques est pouss¨¦ sans doute ¨¤ cette nouvelle insistance
sur les œuvres en cons¨¦quence de ses r¨¦flexions dans les versets 1-13 sur
l¡¯avilissement des pauvres et sur la mis¨¦ricorde qui seule peut triompher du
jugement.
Lorsque les Juifs retournaient en Palestine apr¨¨s leur exil en Babylone, ils
¨¦taient tout ¨¤ fait gu¨¦ris du culte des idoles, raison pour laquelle Dieu leur
avait inflig¨¦ l¡¯exil ; mais ils tombaient vite dans l¡¯autre erreur d¡¯un orgueil
arrogant ¨¤ cause de leur religion monoth¨¦iste et distinctive. Ils se
glorifiaient de ce qu¡¯ils ¨¦taient fils d¡¯Abraham et leur attachement nominal
aux divers articles de la foi de leurs p¨¨res suffisait, pensaient-ils, pour les
sauver. C¡¯est bien l¨¤ l¡¯attitude condamn¨¦e par Jean-Baptiste (Matthieu 3: 7-10)
:
« Mais, voyant venir ¨¤ son bapt¨ºme beaucoup de pharisiens et de sadduc¨¦ens, il
leur dit : Races de vip¨¨res, qui vous a appris ¨¤ fuir la col¨¨re ¨¤ venir ? Produisez
donc du fruit digne de la repentance, et ne pr¨¦tendez pas dire en vous-m¨ºmes :
Nous avons Abraham pour p¨¨re ! Car je vous d¨¦clare que de ces pierres-ci Dieu
peut susciter des enfants ¨¤ Abraham. D¨¦j¨¤ la cogn¨¦e est mise ¨¤ la racine des
arbres : tout arbre donc qui ne produit pas de bons fruits sera coup¨¦ et jet¨¦
au feu ».
Voil¨¤ aussi l¡¯attitude que condamne Jacques chez les Juifs convertis de la
dispersion, c¡¯est-¨¤-dire chez ceux d¡¯entre ces Juifs qui se bornaient ¨¤ faire
profession de leur attachement ¨¤ leur nouvelle foi chr¨¦tienne sans laisser
celle-ci produire des œuvres mis¨¦ricordieuses (2: 14) :
« Mes fr¨¨res, que sert-il ¨¤ quelqu¡¯un de dire qu¡¯il a la foi, s¡¯il n¡¯a pas les
œuvres ? Cette foi (selon le grec : cette foi-l¨¤) peut-elle le sauver ? ».
Nous avons d¨¦j¨¤ not¨¦ que dans le premier chapitre Jacques emploie souvent le
mot de tentation dans deux sens ; constatons maintenant que dans sa lettre le
mot de foi s¡¯emploie aussi dans deux sens : en g¨¦n¨¦ral, chez Jacques comme chez
Paul, la foi signifie une croyance absolue et une confiance sans r¨¦serve en
Dieu et en Ses promesses (voir par exemple 1: 3, 6 ; 2: 1, 5, 22) ; mais dans
les versets que nous consid¨¦rons ¨¤ pr¨¦sent le mot prend quelquefois une
signification beaucoup plus limit¨¦e : un homme, semble dire Jacques au verset
14, peut faire profession de sa foi, mais si cette foi ne produit pas de bons
fruits elle n¡¯est que l¡¯acceptation intellectuelle de certains dogmes
religieux, orthodoxie st¨¦rile qui n¡¯a aucune valeur devant Dieu et qui ne peut
point nous sauver dans le jugement dont vient de parler Jacques (versets 12,
13). Il se peut bien que Jacques pense ici aux paroles de J¨¦sus dans Matthieu 7:
21 :
« Ceux qui me disent : Seigneur, Seigneur ! n¡¯entreront pas tous dans le
royaume des deux, mais seulement celui qui fait la volont¨¦ de mon P¨¨re qui est
dans les deux »;
¨¦galement dans Matthieu 25: 31-46 (voir surtout versets 34-36, 40-43,45,46) o¨´
il d¨¦crit les conditions du jugement.
« Que sert-il ¨¤ quelqu¡¯un de dire qu¡¯il a la foi, s¡¯il n¡¯a pas les œuvres ? Cette
foi peut-elle le sauver ? ».
En traitant de cette question dans les versets suivants Jacques fait preuve de
cette vigueur et de cette vivacit¨¦ qui sont tout ¨¤ fait caract¨¦ristiques de son
style et qui se manifestent surtout dans les affirmations brusques et
¨¦nergiques, dans les questions ¨¦loquentes et dans l¡¯ironie dont il est maître. Il
fournit maintenant quelques exemples, quelques preuves, du principe qu¡¯il a
pos¨¦ dans le chapitre 2 verset 14. Il le premier exemple (versets 15, 16) nous
indique que les œuvres auxquelles Jacques pense ne sont ni c¨¦r¨¦monials ni
asc¨¦tiques, mais surtout des œuvres inspir¨¦es par la bienveillance et par la
mis¨¦ricorde :
« Si un fr¨¨re ou une sœur sont nus et manquent de la nourriture de chaque jour
» :
description d¡¯une mis¨¨re extr¨ºme qui nous rappelle l¡¯allusion (verset 2) ¨¤
l¡¯homme pauvre et mis¨¦rablement v¨ºtu, A l¡¯¨¦poque o¨´ Jacques ¨¦crivait sa lettre,
l¡¯¨¦glise de J¨¦rusalem subissait fort probablement les premiers effets de la
grande famine pr¨¦dite par Agabus (Actes 11: 27-30). Il se peut bien que Jacques
ait ¨¦t¨¦ t¨¦moin d¡¯une sc¨¨ne telle qu¡¯il d¨¦crit ici, et qu¡¯il tire cet exemple de
sa propre exp¨¦rience.
« Allez en paix » : b¨¦n¨¦diction tr¨¨s r¨¦pandue parmi les Juifs, dite
g¨¦n¨¦ralement ¨¤ quelqu¡¯un dont on avait satisfait les besoins ; notons, par
exemple, l¡¯usage faite de cette expression par J¨¦sus dans Luc 7: 48-50 :
« Il dit ¨¤ la femme : Tes p¨¦ch¨¦s sont pardonn¨¦s. Ceux qui ¨¦taient ¨¤ table avec
lui se mirent ¨¤ dire en eux-m¨ºmes : Qui est celui-ci qui pardonne m¨ºme les
p¨¦ch¨¦s ? Mais J¨¦sus dit ¨¤ la femme : Ta foi t¡¯a sauv¨¦e, va en paix » ;
et de nouveau dans Luc 8: 47,48 :
« La femme, se voyant d¨¦couverte, vint toute tremblante se jeter ¨¤ ses pieds,
et d¨¦clara devant tout le peuple pourquoi elle l¡¯avait touch¨¦, et comment elle
avait ¨¦t¨¦ gu¨¦rie ¨¤ l¡¯instant. J¨¦sus lui dit : Ma fille, ta foi t¡¯a sauv¨¦e ; va
en paix ».
Dans les circonstances ¨¦voqu¨¦es par Jacques, l¡¯expression ne serait donc qu¡¯une
plaisanterie vide de sens, m¨¦ritant bien sa question ironique : « A quoi cela
sert-il ? » On pourrait qualifier une telle attitude de « compassion », mais
c¡¯est une compassion morte et sans valeur, manquant la force vivifiante des
œuvres charitables ; et, dit Jacques (verset 17) :
« Il en est ainsi de la foi : si elle n¡¯a pas les œuvres, elle est morte en
elle-m¨ºme ».
L¡¯apôtre Jean ¨¦voque (I Jean 3: 17-19) une situation tout ¨¤ fait analogue ¨¤
celle cit¨¦e par Jacques :
« Si quelqu¡¯un poss¨¨de les biens du monde, et que, voyant son fr¨¨re dans le
besoin, il lui ferme les entrailles, comment l¡¯amour de Dieu demeure-t-il en
lui ? Petits enfants, n¡¯aimons pas en paroles et avec la langue, mais en
actions et avec v¨¦rit¨¦. Par l¨¤ nous connaîtrons que nous sommes de la v¨¦rit¨¦,
et nous rassurerons nos cœurs devant lui ».
Et Paul (Romains 5: 1, 2 ; 6: 1, 2, 19-22) d¨¦montre aussi qu¡¯il accepte le
principe ¨¦tabli par Jacques:
« Étant donc justifi¨¦s par la foi, nous avons la paix avec Dieu par notre
Seigneur J¨¦sus-Christ, ¨¤ qui nous devons d¡¯avoir eu par la foi acc¨¨s ¨¤ cette
grâce... Que dirons-nous donc ? Demeurerions-nous dans le p¨¦ch¨¦, afin que la
grâce abonde ? Loin de l¨¤ ! Nous qui sommes morts au p¨¦ch¨¦, comment
vivrions-nous encore dans le p¨¦ch¨¦ ?... De m¨ºme donc que vous avez livr¨¦ vos
membres comme esclaves ¨¤ l¡¯impuret¨¦ et ¨¤ l¡¯iniquit¨¦, pour arriver ¨¤ l¡¯iniquit¨¦,
ainsi maintenant livrez vos membres comme esclaves ¨¤ la justice, pour arriver ¨¤
la saintet¨¦... Étant affranchis du p¨¦ch¨¦ et devenus esclaves de Dieu, vous
avez, pour fruit la saintet¨¦ et pour fin la vie ¨¦ternelle ».
Arriv¨¦ ¨¤ ce point, Jacques introduit une troisi¨¨me personne qui fournit deux
arguments de plus pour soutenir la th¨¨se de Jacques. Pour signaler la force
exacte du verset 18 il faut remplacer le mot « mais » qu¡¯emploie Segond par une
expression quelconque comme « en effet » :
« [En effet] quelqu¡¯un dira : Toi tu as la foi; et moi, j¡¯ai les œuvres. Montre-moi
ta foi sans les œuvres, et moi, je te montrerai la foi (ou plutôt: ma foi) par
mes œuvres ».
Ce que cette troisi¨¨me personne veut indiquer par son appel, c¡¯est qu¡¯une foi
v¨¦ritable et vivante doit montrer sa pr¨¦sence et sa vitalit¨¦ par des œuvres qui
en sont, en effet, le fruit. Notons en passant que Jacques ne nie point la
n¨¦cessit¨¦ absolue de la foi ; seulement, il insiste que la foi qui est valable
devant Dieu, la foi qui peut nous sauver, est quelque chose de vivace, d¡¯actif,
produisant de bons fruits ¡ª pr¨¦cis¨¦ment ce que dit aussi J¨¦sus (Matthieu 7: 19,
20) :
« Tout arbre qui ne porte pas de bons fruits est coup¨¦ et jet¨¦ au feu. C¡¯est
donc ¨¤ leurs fruits que vous les reconnaîtrez ».
Écoutons aussi Paul, qui parle (Galates 5: 6) de :
« La foi qui est agissante par l¡¯amour ».
Le troisi¨¨me personnage dans l¡¯argument de Jacques soutient que ses propres
œuvres sont le t¨¦moignage de quelque chose de sup¨¦rieur aux œuvres, t¨¦moignage
d¡¯une foi et d¡¯une confiance en Dieu tr¨¨s r¨¦elles et vivaces ; sans œuvres, la
foi n¡¯est rien moins qu¡¯une acceptation formelle de dogmes religieux. Il
d¨¦veloppe sa th¨¨se en pr¨¦sentant un autre argument (verset 19) :
« Tu crois qu¡¯il y a un seul Dieu, tu fais bien ; les d¨¦mons le croient aussi,
et ils tremblent ».
« Un seul Dieu » : voil¨¤ le premier article de la religion juive, ¨¦nonc¨¦ dans
Deut¨¦ronome 6: 4 :
« Écoute, Israël ! l¡¯Éternel, notre Dieu, est le seul Éternel »,
r¨¦p¨¦t¨¦ deux ou trois fois par jour par tout Juif pieux; et murmur¨¦ par le Juif
mourant pour assurer son salut ¨¦ternel. Cette v¨¦rit¨¦ est pour le chr¨¦tien aussi
la base de sa foi :
« J¨¦sus r¨¦pondit : Voici le premier [commandement] : Écoute, Israël, le
Seigneur, notre Dieu, est l¡¯unique Seigneur »
(Marc 12: 29) ;
« Pour nous, il n¡¯y a qu¡¯un seul Dieu, le P¨¨re, de qui viennent toutes choses
et pour qui nous sommes »
(I Corinthiens 8: 6) ;
« Il y a un seul Seigneur, une seule foi, un seul bapt¨ºme, un seul Dieu et P¨¨re
de tous, et parmi tous, et en tous »
(Éph¨¦siens 4: 5, 6).
Il est donc tout ¨¤ fait naturel que Jacques, voulant d¨¦montrer la diff¨¦rence
entre une foi factice et une foi r¨¦elle, renvoie ¨¤ ce commandement.
« Tu crois qu¡¯il y a un seul Dieu, tu fais bien », dit Jacques, avec la m¨ºme
ironie qu¡¯il a montr¨¦e en faisant usage de cette expression dans le verset 8. «
Mais sachez que les d¨¦mons le croient aussi ! et pour eux cette croyance n¡¯est
point la source de paix et de salut, mais seulement d¡¯un grand tremblement ! » Il
songe sans doute ¨¤ certains des miracles de J¨¦sus o¨´ il ¨¦tait question de
gu¨¦rir des d¨¦moniaques ; souvent, au cours de la gu¨¦rison, les « d¨¦mons » se
sont ¨¦cri¨¦s en reconnaissant avec des tremblements le pouvoir de Dieu qui les
chassait (voir, par exemple, Matthieu 8: 29 ; Marc 5: 7 ; Luc 4: 41). Ainsi
Jacques fait voir, par la troisi¨¨me personne dans son argument, qu¡¯il y a une
sorte de foi qui n¡¯existe que dans un ¨¦tat mort, et que cette « foi » n¡¯a aucun
rapport avec la vie ¨¦ternelle : elle a la m¨ºme relation avec la foi r¨¦elle et
valable que le cadavre d¡¯un homme avec l¡¯homme lui-m¨ºme, vivant et actif ; elle
est « morte en elle-m¨ºme »,
Dans le verset 20 Jacques reprend lui-m¨ºme son argument et pose la question :
« Veux-tu savoir, ô homme vain, que la foi sans les œuvres est inutile ? » (ou
plutôt « st¨¦rile » ).
« Veux-tu savoir » : c¡¯est-¨¤-dire, « Veux-tu savoir autoritairement et sans
possibilit¨¦ de doute ? ». Et Jacques avance maintenant la preuve finale et
d¨¦finitive que la vraie foi se montre dans les œuvres : la preuve que ni Juif
ni chr¨¦tien ne peuvent nier, la preuve de l¡¯Écriture elle-m¨ºme. L¡¯Écriture nous
fait voir formellement que « la foi sans les œuvres est st¨¦rile » ¡ª st¨¦rile,
c¡¯est-¨¤-dire ¨¤ l¡¯¨¦gard de notre salut : la foi qui ne produit pas d¡¯œuvres ne
produit pas non plus le salut. Jacques cite d¡¯abord le cas d¡¯Abraham pour
prouver sa th¨¨se :
« Abraham, notre p¨¨re, ne fut-il pas justifi¨¦ par les œuvres, lorsqu¡¯il offrit
son fils Isaac sur l¡¯autel ? »
(verset 21).
L¡¯exemple d¡¯Abraham ¨¦tait ¨¤ la fois le mieux connu et le plus rev¨ºtu d¡¯autorit¨¦
que Jacques pût choisir. Comme Jacques l¡¯indique, il ¨¦tait le p¨¨re de la nation
juive (« notre p¨¨re » ¡ª expression qui fait voir l¡¯origine juive des chr¨¦tiens
¨¤ qui Jacques ¨¦crivait) ; c¡¯est ¨¤ lui que Dieu avait fait les plus grandes et
les plus pr¨¦cieuses promesses sur lesquelles l¡¯esp¨¦rance d¡¯Israël ¨¦tait bas¨¦e. La
foi et les exp¨¦riences d¡¯Abraham ¨¦taient beaucoup discut¨¦es par les rabbins, et
il est tout ¨¤ fait naturel que Jacques (ainsi que J¨¦sus ¡ª Jean 8, et Paul ¡ª
Romains 4, Galates 3, H¨¦breux 6 et 11) le choisisse pour prouver sa th¨¨se.
Abraham fut « justifie » : mot qui signifie en g¨¦n¨¦ral dans l¡¯Écriture, absous,
ou bien, compt¨¦ juste. Du publicain qui se frappait la poitrine en disant : « O
Dieu, sois apais¨¦ envers moi, qui suis un p¨¦cheur », J¨¦sus a dit : « Celui-ci
descendit dans sa maison justifi¨¦ (compt¨¦ juste) plutôt que l¡¯autre » (Luc 18:
13, 14). Nul homme n¡¯est juste en lui-m¨ºme : « Il n¡¯y a point de juste, pas
m¨ºme un seul » (Romains 3: 10) ; mais par l¡¯op¨¦ration de la grâce de Dieu un
homme peut ¨ºtre regard¨¦ comme juste ¨¤ cause de son attitude envers Dieu, selon
qu¡¯il est ¨¦crit (Psaume 32: 1, 2) :
« Heureux celui ¨¤ qui la transgression est remise,
A qui le p¨¦ch¨¦ est pardonn¨¦ !
Heureux l¡¯homme ¨¤ qui l¡¯Éternel n¡¯impute pas l¡¯iniquit¨¦ » ;
et aussi (Romains 3: 23, 24) :
« Car tous ont p¨¦ch¨¦ et sont priv¨¦s de la gloire de Dieu ; et ils sont
gratuitement justifi¨¦s par sa grâce, par le moyen de la r¨¦demption qui est en
J¨¦sus-Christ » .
Et pourtant Jacques nous dit qu¡¯Abraham fut « justifi¨¦ par les œuvres,
lorsqu¡¯il offrit son fils Isaac sur l¡¯autel ».
Ici il faut consulter deux passages de la Gen¨¨se o¨´ il est question de la
justice d¡¯Abraham. D¡¯abord, dans Gen¨¨se 15: 3-6, nous lisons :
« Et Abram dit : Voici, tu ne m¡¯as pas donn¨¦ de post¨¦rit¨¦, et celui qui est n¨¦
dans ma maison sera mon h¨¦ritier. Alors la parole de l¡¯Éternel lui fut adress¨¦e
ainsi : Ce n¡¯est pas lui qui sera ton h¨¦ritier, mais c¡¯est celui qui sortira de
tes entrailles qui sera ton h¨¦ritier. Et apr¨¨s l¡¯avoir conduit dehors, il dit :
Regarde vers le ciel, et compte les ¨¦toiles, si tu peux les compter. Et il lui
dit : Telle sera Ta post¨¦rit¨¦. Abram eut confiance en l¡¯Éternel, qui le lui
imputa ¨¤ justice ».
Plus tard, dans Gen¨¨se 22: 1, 2, l¡¯Écriture nous dit qu¡¯apr¨¨s la naissance
d¡¯Isaac, l¡¯enfant de la promesse de Gen¨¨se 15,
« Dieu mit Abraham ¨¤ l¡¯¨¦preuve... Dieu dit : Prends ton fils, ton unique, celui
que tu aimes, Isaac ; va-t¡¯en au pays de Morija, et l¨¤ offre-le en holocauste
sur l¡¯une des montagnes que je te dirai ».
Abraham ob¨¦it, et au moment o¨´ il ¨¦tendait la main pour tuer son fils, l¡¯ange
de l¡¯Éternel l¡¯arr¨ºta, disant (versets 12, 16-18) :
« N¡¯avance pas la main sur l¡¯enfant, et ne lui fais rien ; car je sais
maintenant que tu crains Dieu, et que tu ne m¡¯as pas refus¨¦ ton fils, ton
unique... Je le jure par moi-m¨ºme, parole de l¡¯Éternel ! parce que tu as fait
cela, et que tu ne m¡¯as pas refus¨¦ ton fils, ton unique, je te b¨¦nirai et je
multiplierai la post¨¦rit¨¦, comme les ¨¦toiles du ciel et comme le sable qui est
sur le bord de la mer ; et ta post¨¦rit¨¦ poss¨¦dera la porte de ses ennemis. Toutes
les nations de la terre seront b¨¦nies en ta post¨¦rit¨¦, parce que tu as ob¨¦i ¨¤
ma voix ».
Constatons maintenant que dans Gen¨¨se 15 c¡¯est par sa foi dans les promesses de
Dieu qu¡¯Abraham est justifi¨¦ ; dans Gen¨¨se 22 il est justifi¨¦ et b¨¦ni ¨¤ cause
de son ob¨¦issance au commandement de Dieu. Mais il n¡¯y a aucune contradiction
entre les deux incidents : la foi de Gen¨¨se 15 est une pleine confiance en Dieu
qui se montrera dans les œuvres quand en viendra l¡¯occasion ; les œuvres de
Gen¨¨se 22 proc¨¨dent de cette m¨ºme confiance en Dieu ¡ª seulement il y a un
changement d¡¯accent, et dans Gen¨¨se 15 c¡¯est plutôt la foi qui est ¨¤ remarquer,
tout autant que dans Gen¨¨se 22 ce sont les œuvres. Dans son commentaire sur cet
incident Jacques ne nie point la foi d¡¯Abraham, mais il tient de nouveau ¨¤
signaler le caract¨¨re vivant et actif de sa foi (Jacques 2:22) :
« Tu vois que la foi agissait avec ses œuvres, et que par les œuvres la foi fut
rendue parfaite ».
Dans le grec il y a un contraste entre l¡¯expression « sans les œuvres » du
verset 20 et l¡¯expression « avec ses œuvres » du verset 22.
« Par les œuvres la foi fut rendue parfaite » : mot qui signifie form¨¦e ou
consomm¨¦e. Jacques pense ici ¨¤ la consommation et au perfectionnement de la foi
par les ¨¦preuves dont il a d¨¦j¨¤ parl¨¦ ( 1: 3,4) :
« L¡¯¨¦preuve de votre foi produit la patience. Mais il faut que la patience
accomplisse parfaitement son œuvre, afin que vous soyez parfaits et accomplis,
sans faillir en rien ».
« Maintenant, dit Dieu, je sais que tu crains Dieu »
(Gen¨¨se 22: 12).
Le commentaire de John Thomas sur la foi et les œuvres d¡¯Abraham nous aide
beaucoup ¨¤ comprendre les voies de Dieu ¨¤ ce sujet :
« Comme p¨¦cheur, ¨¦crit-il, Abraham fut justifi¨¦ ¨¤ l¡¯¨¦gard de ses p¨¦ch¨¦s quand
sa foi lui fut imput¨¦e ¨¤ justice ; et comme saint il fut justifi¨¦ par les
œuvres quand il offrit Isaac sur l¡¯autel... Si un homme croit en Dieu et s¡¯il
ob¨¦it ¨¤ l¡¯¨¦vangile, ses p¨¦ch¨¦s pass¨¦s lui sont pardonn¨¦s ; mais si, par la
suite, il marche selon le train du monde, sa foi est prouv¨¦e morte et il perd
tout droit ¨¤ la vie ¨¦ternelle ».
Ce fut donc par les œuvres que la foi d¡¯Abraham fut rendue parfaite ;
et « ainsi s¡¯accomplit ce que dit l¡¯Écriture : Abraham crut en Dieu, et cela
lui fut imput¨¦ ¨¤ justice ; et il fut appel¨¦ ami de Dieu » (verset 23). L¡¯Écriture
de Gen¨¨se 15: 6, ¨¤ laquelle Jacques fait allusion, se compose de deux
d¨¦clarations :
d¡¯abord qu¡¯Abraham « crut en Dieu » et ensuite que cette foi « lui fut imput¨¦e
¨¤ justice ». Dans les incidents de Gen¨¨se 22, les deux d¨¦clarations trouvent
leur accomplissement : la premi¨¨re, parce que quand Abraham offre Isaac sur
l¡¯autel ses actions prouvent la r¨¦alit¨¦ robuste et vivante de sa foi en Dieu ;
la seconde, parce que Dieu b¨¦nit Abraham de nouveau ¨¤ cause de ses œuvres et confirme
par un serment les promesses de Gen¨¨se 15: 4, 5 (voir Gen¨¨se 22: 16-18).
C¡¯est ¨¤ cet accomplissement de l¡¯Écriture que Paul fait allusion dans H¨¦breux
6: 13-15:
« Lorsque Dieu fit la promesse ¨¤ Abraham, ne pouvant jurer par un plus grand
que lui, il jura par lui-m¨ºme, et dit : Certainement, je le b¨¦nirai et je
multiplierai ta post¨¦rit¨¦. Et c¡¯est ainsi qu¡¯Abraham, ayant pers¨¦v¨¦r¨¦, obtint
ce qui lui avait ¨¦t¨¦ promis ».
Et Paul, de m¨ºme que Jacques, trouve dans le cas d¡¯Abraham une exhortation pour
ses auditeurs, ¨¤ savoir qu¡¯ils doivent imiter « ceux qui, par la foi et la
pers¨¦v¨¦rance, h¨¦ritent des promesses » (H¨¦breux 6: 12). C¡¯est ¨¤ cause de cette
pers¨¦v¨¦rance, l¡¯op¨¦ration de la foi, dit Jacques, qu¡¯Abraham a ¨¦t¨¦ appel¨¦ ami
de Dieu ¡ª allusion ¨¤ Ésaïe 41: 8, o¨´ Dieu parle d¡¯Abraham « que j¡¯ai aim¨¦ ».
L¡¯analyse de l¡¯exp¨¦rience d¡¯Abraham se termine dans le verset 24, o¨´ Jacques
r¨¦sume nettement le sens de cette exp¨¦rience :
« Vous voyez que l¡¯homme est justifi¨¦ par les œuvres, et non par la foi seulement
».
C¡¯est la foi seule, « agissant avec les œuvres », qui puisse nous justifier
devant Dieu, qui puisse, par la grâce de Dieu, nous constituer h¨¦ritiers de la
vie ¨¦ternelle.
Jacques cite maintenant un autre cas dans l¡¯Écriture qui renforce sa th¨¨se:
« Rahab la prostitu¨¦e ne fut-elle pas ¨¦galement justifi¨¦e par les œuvres,
lorsqu¡¯elle reçut les messagers et qu¡¯elle les fit partir par un autre chemin ?
»
(verset 25)
¡ª exemple qui poss¨¨de tout autant de force que celui d¡¯Abraham. Car voil¨¤ une
femme c¨¦l¨¨bre, comme l¡¯¨¦tait Abraham, dans l¡¯histoire d¡¯Israël, et dont la foi,
tout comme la sienne, ¨¦tait beaucoup discut¨¦e par les rabbins : femme
d¡¯ailleurs, de race ¨¦trang¨¨re, faible et p¨¦cheresse. Il est donc tout ¨¤ fait
naturel que Jacques, comme Paul (H¨¦breux 11: 31) cite cet exemple pour appuyer
son argument : il y trouve une preuve excellente de l¡¯universalit¨¦ du principe
dont il parle.
Dans Josu¨¦ 2: 9-11, nous lisons qu¡¯apr¨¨s avoir cach¨¦ les espions Rahab monta
vers eux sur le toit et leur dit :
« L¡¯Éternel, je le sais, vous a donn¨¦ ce pays ; la terreur que vous inspirez
nous a saisis, et tous les habitants du pays tremblent devant vous... car c¡¯est
l¡¯Éternel, votre Dieu, qui est Dieu en haut dans les deux et en bas sur la
terre. »
¡ª d¨¦claration positive de foi en Dieu. D¨¦j¨¤, en cachant les espions, elle a
donn¨¦ une preuve de la r¨¦alit¨¦ et de la vitalit¨¦ de sa foi ; ensuite elle en a
donn¨¦ une autre :
« Elle les fit descendre avec une corde par la fen¨ºtre, car la maison qu¡¯elle
habitait ¨¦tait sur la muraille de la ville. Elle leur dit : Allez du côt¨¦ de la
montagne, de peur que ceux qui vous suivent ne vous rencontrent ; cachez-vous
l¨¤ pendant trois jours, jusqu¡¯¨¤ ce qu¡¯ils soient de retour ; apr¨¨s cela, vous
suivrez votre chemin¡±
(Josu¨¦ 2: 15, 16),
En prenant ces dispositions pour faciliter l¡¯¨¦vasion des espions Rahab fait
voir sa confiance dans la victoire des Isra¨¦lites et sa certitude que son
propre salut d¨¦pendrait du retour des espions au camp d¡¯Israël.
En ¨¦crivant aux H¨¦breux, Paul tient surtout ¨¤ souligner la foi de Rahab:
« C¡¯est par la foi que Rahab la prostitu¨¦e ne p¨¦rit pas avec les rebelles » ;
mais Paul indique en passant que la foi de Rahab ¨¦tait valable parce qu¡¯elle
agissait avec les œuvres, car il ajoute :
« parce qu¡¯elle avait reçu les espions avec bienveillance »
(H¨¦breux 11:31).
Jacques ne nie point la foi de Rahab ; seulement il insiste sur le fait que
cette foi se montrait par les œuvres « lorsqu¡¯elle reçut les messagers et
qu¡¯elle les fit partir par un autre chemin ». Sa foi ¨¦tait beaucoup plus qu¡¯une
simple reconnaissance de l¡¯existence et du pouvoir du Dieu d¡¯Israël : elle
avait fait naître en elle une confiance vivante en Dieu, une conviction que ce
qu¡¯Il avait promis Il pouvait aussi l¡¯accomplir ; et cette confiance lui avait
inspir¨¦ le d¨¦sir d¡¯agir selon la volont¨¦ de Dieu.
Ainsi l¡¯exemple de Rahab, tout autant que celui d¡¯Abraham, nous montre que,
« comme le corps sans esprit est mort, de m¨ºme la foi dans les œuvres est morte
»
(verset 26).
Cette foi seule est vivante, et a de la valeur devant Dieu, que vivifient les
œuvres. La vie du corps se montre par ses actions ; l¡¯existence de la foi se
montre ¨¦galement par les bonnes œuvres.
Pour terminer notre ¨¦tude de la th¨¨se de Jacques sur la foi et les œuvres, nous
devons consid¨¦rer assez sommairement la relation entre cette th¨¨se et celle de
Paul au m¨ºme sujet. Grand nombre de critiques trouvent ces deux th¨¨ses
contradictoires ; ils juxtaposent volontiers la d¨¦claration de Jacques :
« La foi sans les œuvres est morte »,
et celle de Paul (Romains 3: 28 ; Galates 2: 16) :
« L¡¯homme est justifi¨¦ par la foi, sans les œuvres de la loi » ;
et en plus, l¡¯argument de Jacques qu¡¯Abraham a ¨¦t¨¦ justifi¨¦ « par les œuvres »
et celui de Paul qu¡¯Abraham « crut ¨¤ Dieu, et cela lui fut imput¨¦ ¨¤ justice »
(Romains 4: 3).
En v¨¦rit¨¦ il n¡¯y a aucune contradiction entre les deux th¨¨ses. Les œuvres que
Paul d¨¦clare incapables de justifier sont « les œuvres de la loi » ¡ª actes
c¨¦r¨¦monieux et autres actions qui ne provenaient point de la foi et que l¡¯on
n¡¯accomplissait que pour se conformer ¨¤ la loi ; œuvres que condamnerait
Jacques aussi. En citant le cas d¡¯Abraham Paul tient seulement ¨¤ souligner
qu¡¯un homme est justifi¨¦ tout d¡¯abord par la foi seule, par sa croyance en Dieu
et en Ses promesses (id¨¦e implicite dans l¡¯argument de Jacques). Et nous avons
d¨¦j¨¤ vu que Paul insiste tout autant que Jacques que la vraie foi se manifeste
par les œuvres (Romains 5: 1, 2 ; 6: 1, 2, 19-22 ; Galates 5: 6 ; H¨¦breux 6:
15). La « foi » que Jacques condamne n¡¯est point la m¨ºme chose que la foi dont
parle Paul comme n¨¦cessaire au salut ; les « œuvres de la loi » que condamne
Paul ne sont point identiques avec les œuvres dont parle Jacques ¡ª œuvres
inspir¨¦es par la foi, et qui perfectionnent celle-ci.
Paul ou Jacques fait-il par hasard allusion aux id¨¦es de l¡¯autre ? Ce qui est
certain, c¡¯est que les ¨¦pîtres circulaient beaucoup parmi les ¨¦glises du
premier si¨¨cle ; il est donc difficile de croire que Paul pourrait demeurer
longtemps ignorant de la lettre de Jacques, ou Jacques des lettres de Paul. Mais
la question d¡¯une liaison plus ¨¦troite est assez douteuse. On a sugg¨¦r¨¦ que
Jacques a ¨¦crit apr¨¨s Paul et qu¡¯il tenait ¨¤ corriger des perversions de la
doctrine de Paul ; mais il ne serait gu¨¨re n¨¦cessaire de mettre les chr¨¦tiens
juifs en garde contre des perversions de l¡¯enseignement de l¡¯apôtre aux païens,
et cette id¨¦e ne s¡¯accorde point avec Jacques 1: 26, 27. Et de plus, nous
croyons avoir d¨¦montr¨¦ dans plusieurs chapitres pr¨¦c¨¦dents que selon toute
probabilit¨¦ Jacques a ¨¦crit avant Paul. Est-ce que Paul donc corrigeait quelque
perversion populaire et judaïque de la doctrine de Jacques ? Conjoncture peu
probable, car, comme nous venons de noter, la ressemblance entre les th¨¨ses de
Paul et de Jacques n¡¯est que superficielle ; et m¨ºme les allusions ¨¤ Abraham et
¨¤ Rahab sont tout ¨¤ fait naturelles, eu ¨¦gard ¨¤ l¡¯importance de ces personnes
dans la tradition juive.
Nous concluons donc, avec le th¨¦ologien anglais E.H. Plumtree, que la lettre de
Jacques est probablement « tout ¨¤ fait ind¨¦pendante, ant¨¦rieure ¨¤ celles de
Paul, suivant son propre fil d¡¯id¨¦es et d¨¦veloppant sa th¨¨se ¨¤ elle ».
10 L¡¯usage de la langue (3:1-12)
Dans le chapitre 3, Jacques reprend son expos¨¦ des moyens par lesquels nous
devrions mettre en pratique la parole de Dieu :
« Mes fr¨¨res, qu¡¯il n ¡®y ait pas parmi vous un grand nombre de personnes qui se
mettent ¨¤ enseigner, car vous savez que nous serons jug¨¦s plus s¨¦v¨¨rement
»
(3: 1).
Constatons tout d¡¯abord que Jacques ne condamne point le simple d¨¦sir
d¡¯enseigner : œuvre, au contraire, excellente et bien n¨¦cessaire. Paul ¨¦crit ¨¤
Timoth¨¦e :
« Si quelqu¡¯un aspire ¨¤ la charge d¡¯¨¦v¨ºque, il d¨¦sire une œuvre excellente »
(1 Timoth¨¦e 3: 1).
Et aux Thessaloniciens il parle de l¡¯affection que nous devrions ressentir
envers ceux qui nous enseignent :
« Nous vous prions, fr¨¨res, d¡¯avoir de la consid¨¦ration pour ceux qui
travaillent parmi vous, qui vous dirigent dans le Seigneur, et qui vous
exhortent. Ayez pour eux beaucoup d¡¯affection, ¨¤ cause de leur œuvre »
(1 Thessaloniciens 5: 12, 13).
Mais le service de Dieu comprend une grande diversit¨¦ d¡¯œuvres parmi lesquelles
l¡¯enseignement, quoique tr¨¨s important, n¡¯est qu¡¯une seule :
« Car, comme le corps est un et a plusieurs membres, et comme tous les membres
du corps, malgr¨¦ leur nombre, ne forment qu¡¯un seul corps, ainsi en est-il de
Christ... Le corps n¡¯est pas un seul membre, mais il est form¨¦ de plusieurs
membres... Si tout le corps ¨¦tait œil, o¨´ serait l¡¯ouïe ? S¡¯il ¨¦tait tout ouïe,
o¨´ serait l¡¯odorat ? »
(1 Corinthiens 12: 12-17).
Si tous les disciples enseignent, qui va visiter les orphelins et les veuves ? Qui
va soigner les malades ?
« Qu¡¯il n¡¯y ait pas parmi vous un grand nombre de personnes qui se mettent ¨¤
enseigner ».
D¡¯ailleurs on peut rechercher la fonction d¡¯instructeur non par souci pour le
troupeau de Dieu mais, comme Diotr¨¨phe (3 Jean 9), parce qu¡¯on aime ¨¤ ¨ºtre le
premier parmi les disciples. Ce fut l¨¤ l¡¯erreur des scribes et des pharisiens,
erreur condamn¨¦e par J¨¦sus (Matthieu 23: 5-7) :
« Ils font toutes leurs actions pour ¨ºtre vus des hommes... Ils aiment ¨¤ ¨ºtre
salu¨¦s dans les places publiques, et ¨¤ ¨ºtre appel¨¦s par les hommes Rabbi, Rabbi
»,
faute qui pourrait bien se reproduire parmi les Juifs convertis de la
dispersion ; erreur, enfin, qui se d¨¦veloppait dans grand nombre des ¨¦glises,
d¡¯origine païenne comme d¡¯origine juive, au fur et ¨¤ mesure que les disciples
se multipliaient. Paul (1 Corinthiens 12: 14) a dû censurer ceux de Corinthe
qui faisaient usage des dons de l¡¯Esprit pour se faire valoir ; et Pierre (2
Pierre 2) a vigoureusement condamn¨¦ les faux docteurs qui, pour cette m¨ºme
raison, introduisaient des sectes pernicieuses. Ainsi Jacques tient ¨¤ souligner
les responsabilit¨¦s graves de ceux qui se mettent ¨¤ enseigner (voir aussi 1
Timoth¨¦e 3) ; ils doivent se rendre compte du jugement s¨¦v¨¨re qu¡¯ils subiront
si le Seigneur les trouve infid¨¨les :
« Vous savez que nous serons jug¨¦s plus s¨¦v¨¨rement »
(3: 1)
(et notons l¡¯humilit¨¦ de Jacques impliqu¨¦e dans ce mot « nous »). Exhortation
alors que nous devons tous mettre en pratique humblement, mais ¨¦nergiquement ;
c¡¯est un devoir essentiel que Dieu nous recommande, nous disant d¡¯¨¦viter toute
aspiration ¨¤ ¨ºtre pr¨¦¨¦minent.
Parmi toutes les tentations que connaît celui qui se met ¨¤ enseigner, il n¡¯y a
rien de plus difficile ¨¤ surmonter que la langue rebelle, car voil¨¤ un petit
membre poss¨¦dant un grand pouvoir ¡ª tant pour le bien que pour le mal. Et
Jacques consid¨¨re maintenant d¡¯une mani¨¨re assez d¨¦taill¨¦e l¡¯usage de la langue
(voir aussi 1: 19, 26 ; 2: 12 ; 4: 13-17). Il ne faut pas limiter l¡¯application
de ses paroles ¨¤ ceux qui enseignent, car Jacques lui-m¨ºme traite du sujet sous
ses aspects universels, et nous trouverons dans son expos¨¦ beaucoup de conseils
¡ª cat¨¦goriques et s¨¦v¨¨res comme toujours chez Jacques, mais tr¨¨s salutaires et
d¡¯une grande ¨¦l¨¦vation.
« Nous bronchons tous de plusieurs mani¨¨res » :
v¨¦rit¨¦ que la nature humaine trouve toujours difficile ¨¤ admettre. Parmi nous «
il n¡¯y a point de juste, pas m¨ºme un seul » (Romains 3: 10) ; mais si nous
pouvons recevoir cette v¨¦rit¨¦ elle nous rend humbles et aptes ¨¤ ¨ºtre instruits,
et nous transforme sous l¡¯influence de l¡¯Esprit de Dieu.
« Nous bronchons tous de plusieurs mani¨¨res. Si quelqu¡¯un ne bronche point en paroles,
c¡¯est un homme parfait, capable de tenir tout son corps en bride »
(3: 2 ; notons aussi l¡¯¨¦cho du langage du chapitre 1: 26).
Tellement il est difficile de dompter la langue que Jacques peut parler de
l¡¯homme qui arrive ¨¤ la gouverner comme capable de tenir en bride toutes ses
passions. Ce serait « un homme parfait », enti¨¨rement maître de soi. Jacques
¨¦claircit ce point en faisant usage de deux exemples (versets 3 et 4) :
« Si nous mettons le mors dans la bouche des chevaux pour qu¡¯ils nous ob¨¦issent,
nous dirigeons ainsi leur corps tout entier. Voici, m¨ºme les navires, qui sont
si grands et que poussent des vents imp¨¦tueux, sont dirig¨¦s par un tr¨¨s petit
gouvernail, au gr¨¦ du pilote ».
L¡¯homme qui tient les r¨ºnes dirige le corps tout entier du cheval ; le pilote
qui tient le gouvernail dirige tout le navire ;
« De m¨ºme, la langue est un petit membre, et elle se vante de grandes choses
»
(verset 5).
Si nous pouvions dompter la langue, nous d¨¦velopperions assez de force morale
pour diriger tout notre ¨ºtre. Malheureusement, comme le dit Jacques plus tard :
« La langue, aucun homme ne peut la dompter ; c¡¯est un mal qu¡¯on ne peut
r¨¦primer »
(verset 8).
Et, sauf J¨¦sus, aucun homme n¡¯est arriv¨¦ ¨¤ la dompter, ¨¤ la r¨¦primer. M¨ºme
Moïse, homme de Dieu, « s¡¯exprima l¨¦g¨¨rement des l¨¨vres » pr¨¨s de Meriba, et en
fut puni (Psaume 106: 32, 33).
Trop souvent, m¨ºme parmi les enfants de Dieu, la langue c¡¯est le « petit feu »
(Jacques 3: 5) qui finit par embraser une grande for¨ºt. Le proverbe parle du
feu qui reste sur les l¨¨vres de l¡¯homme pervers (Proverbes 16: 27) :
« L¡¯homme pervers pr¨¦pare le malheur, Et il y a sur ses l¨¨vres comme un feu
ardent ».
« La langue aussi est un feu »
(Jacques 3: 6) ;
et de plus :
« c¡¯est le monde de l¡¯iniquit¨¦. La langue est plac¨¦e parmi nos membres,
souillant tout le corps ».
La langue peut ¨ºtre le serviteur et l¡¯instrument de toutes nos pens¨¦es et de
tous nos mauvais d¨¦sirs ; constatons aussi que toute parole m¨¦chante laisse son
empreinte sur notre caract¨¨re tout entier. Ainsi la langue devient une sorte de
microcosme d¡¯iniquit¨¦ dont l¡¯influence se r¨¦pand parmi tout le corps, et le
souille. C¡¯est l¨¤ un exemple tr¨¨s frappant du principe pos¨¦ par J¨¦sus (Marc 7:
18-23), auquel nous avons plusieurs fois fait allusion :
« Rien de ce qui du dehors entre dans l¡¯homme ne peut le souiller... Ce qui
sort de l¡¯homme, c¡¯est ce qui souille l¡¯homme. Car c¡¯est du dedans, c¡¯est du
cœur des hommes, que sortent les mauvaises pens¨¦es, les adult¨¨res, les
d¨¦bauches, les meurtres, les vols, les cupidit¨¦s, les m¨¦chancet¨¦s, la fraude,
le d¨¦r¨¨glement, le regard envieux, la calomnie, l¡¯orgueil, la folie. Toutes ces
choses mauvaises sortent du dedans, et souillent l¡¯homme ».
Et tr¨¨s souvent ces mauvaises tendances s¡¯expriment de mani¨¨re ou d¡¯autre par
la langue.
« La langue est plac¨¦e parmi nos membres, souillant tout le corps, et (pour
revenir ¨¤ la m¨¦taphore du feu) enflammant le cours de la vie, ¨¦tant elle-m¨ºme
enflamm¨¦e par la g¨¦henne »
(Jacques 3: 6).
La mauvaise influence de la langue est si r¨¦pandue qu¡¯elle enflamme toute la
vie humaine ¡ª celle de l¡¯individu comme celle de la soci¨¦t¨¦. Et notons que
c¡¯est par la g¨¦henne qu¡¯est enflamm¨¦e la langue : « g¨¦henne » est une
expression h¨¦braïque qui ne s¡¯emploie dans le Nouveau Testament que dans les
Évangiles et dans l¡¯Épître de Jacques. Elle signifie la vall¨¦e des fils de
Hinnom. C¡¯est dans cette vall¨¦e que, pendant l¡¯¨¨re de leur d¨¦cadence, les
Isra¨¦lites avaient fait passer leurs enfants par le feu en l¡¯honneur de Moloc
et de Baal (voir 2 Rois 23: 10 ; J¨¦r¨¦mie 7: 31 ; 19: 5, 6). Plus tard on
employait cette vall¨¦e comme une sorte de fosse immense, pour y brûler toutes
les ordures et tout le rebut de J¨¦rusalem dans des feux perp¨¦tuels. Ainsi, pour
les rabbins et pour J¨¦sus, la g¨¦henne est devenue symbole d¡¯abord de la
souillure, ensuite de la destruction (voir, par exemple, Marc 9: 43-46). En
faisant usage de cette expression Jacques veut indiquer que les erreurs de la
langue proviennent d¡¯une source essentiellement mauvaise, et qui finit par
d¨¦truire toute vie spirituelle.
Pour souligner le grand pouvoir de la langue dans la vie humaine, Jacques nous
d¨¦veloppe un contraste saisissant : ¨¤ savoir, le contraste entre la domination
qu¡¯exerce l¡¯homme sur les b¨ºtes et son impuissance ¨¤ l¡¯¨¦gard de la langue :
« Toutes les esp¨¨ces de b¨ºtes et d¡¯oiseaux, de reptiles et d¡¯animaux marins,
sont dompt¨¦s et ont ¨¦t¨¦ dompt¨¦s par l¡¯homme; mais la langue, aucun homme ne
peut la dompter; c¡¯est un mal qu¡¯on ne peut r¨¦primer ; elle est pleine d¡¯un
venin mortel »
(Jacques 3: 7, 8).
Les paroles de Jacques nous rappellent d¡¯abord la loi promulgu¨¦e par Dieu lors
de la cr¨¦ation de l¡¯homme (Gen¨¨se 1: 26) :
« Qu¡¯il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le
b¨¦tail, sur toute la terre, et sur tous les reptiles qui rampent sur la terre »
(loi renouvel¨¦e ¨¤ No¨¦ ¡ª Gen¨¨se 9: 2 ¡ª et ¨¤ laquelle le Psalmiste fait allusion
¡ª Psaume 8: 6-9). On ne doute donc point de la domination de l¡¯homme sur les
animaux ; mais se dominer soi-m¨ºme, dominer ses propres passions, dominer la
langue par laquelle les passions s¡¯expriment, c¡¯est l¨¤ tout autre chose ; car
la langue « c¡¯est un mal qu¡¯on ne peut r¨¦primer » et que personne, ¨¤ part
J¨¦sus, n¡¯est jamais arriv¨¦ ¨¤ dompter enti¨¨rement.
La langue, dit Jacques, « est pleine d¡¯un venin mortel ». Le Psalmiste parle
(Psaume 140: 4) des hommes m¨¦chants et violents qui
« ...aiguisent leur langue comme un serpent,
[qui] ont sous leurs l¨¨vres un venin d¡¯aspic ».
En effet, nos paroles poss¨¨dent un grand pouvoir, tant pour le mal que pour le
bien ; si nous employons la langue d¡¯une mani¨¨re injurieuse et m¨¦chante, nous
pouvons ¨ºtre responsables m¨ºme de la mort de notre prochain, de notre fr¨¨re ¡ª
ou de sa mort physique ou de sa mort spirituelle, ou bien de toutes les deux. De
plus, le venin de la langue souille tout notre caract¨¨re et de ce fait peut
¨ºtre vraiment funeste pour nous-m¨ºmes :
« La mort et la vie sont au pouvoir de la langue ; Quiconque l¡¯aime en mangera
les fruits »
(Proverbes 18: 21).
Et ce n¡¯est pas seulement la parole franchement m¨¦chante qui poss¨¨de ce pouvoir
: toute parole vaine et inconsid¨¦r¨¦e peut ¨ºtre ¨¦galement funeste, comme le dit
J¨¦sus (Matthieu 12: 36, 37) :
« Au jour du jugement les hommes rendront compte de toute parole vaine qu¡¯ils
auront prof¨¦r¨¦e. Car par tes paroles tu seras justifi¨¦, et par tes paroles tu
seras condamn¨¦ ».
Pour conclure son exhortation sur l¡¯usage de la langue, Jacques nous signale un
autre contraste : le contraste entre ce qui arrive chez l¡¯homme et ce que nous
trouvons dans la nature. Par la langue, dit-il (versets 9, 10),
« nous b¨¦nissons le Seigneur notre P¨¨re, et par elle nous maudissons les hommes
faits ¨¤ l¡¯image de Dieu. De la m¨ºme bouche sortent la b¨¦n¨¦diction et la
mal¨¦diction ».
C¡¯est l¨¤ un exemple net et frappant de l¡¯inconstance de l¡¯homme : tantôt il
fait usage de la langue pour b¨¦nir Dieu, en publiant Sa justice et Sa
mis¨¦ricorde (voir Psaumes 71: 24 ; 145: 21), tantôt il maudit son voisin, celui
qui est fait ¨¤ l¡¯image de Dieu (Gen¨¨se 1: 26, 27). Cette inconstance, qui met en
question la sinc¨¦rit¨¦ de sa louange de l¡¯Éternel, trouve son origine dans cette
irr¨¦solution, cette division de foi que Jacques a d¨¦j¨¤ condamn¨¦es (1: 6-8) et
auxquelles il fait de nouveau allusion plus loin (4: 4-8). Inconstance,
d¡¯ailleurs, condamn¨¦e par J¨¦sus (Matthieu 5 :21-24) :
« Je vous dis que quiconque se met en col¨¨re contre son fr¨¨re est passible de
jugement ; que celui qui dira ¨¤ son fr¨¨re : Raca ! m¨¦rite d¡¯¨ºtre puni par le
sanh¨¦drin ; et que celui qui lui dira : Insens¨¦ ! m¨¦rite d¡¯¨ºtre puni par le feu
de la g¨¦henne. Si donc tu pr¨¦sentes ton offrande ¨¤ l¡¯autel, et que l¨¤ tu te
souviennes que ton fr¨¨re a quelque chose contre toi, laisse l¨¤ ton offrande
devant l¡¯autel, et va d¡¯abord te r¨¦concilier avec ton fr¨¨re ; puis, viens
pr¨¦senter ton offrande ».
Inconstance, enfin, que la nature r¨¦primande partout :
« Il ne faut pas, mes fr¨¨res, qu¡¯il en soit ainsi. La source fait-elle jaillir
par la m¨ºme ouverture l¡¯eau douce et l¡¯eau am¨¨re ? Un figuier, mes fr¨¨res,
peut-il produire des olives, ou une vigne des figues ? De l¡¯eau sal¨¦e ne peut
pas non plus produire de l¡¯eau douce »
(Jacques 3: 10-12).
Il est bien ¨¦vident que l¡¯auteur de ces derni¨¨res paroles ¨¦tait un habitant de
la Palestine, ¨¤ qui les sources saumâtres (voir 2 Rois 2: 19), l¡¯eau sal¨¦e de
la Mer morte, les vignes et les figuiers ¨¦taient bien familiers. Et en plus, il
se peut bien que Jacques pense ici aux paroles que J¨¦sus adresse aux pharisiens
:
« Ou dites que l¡¯arbre est bon et que son fruit est bon, ou dites que l¡¯arbre
est mauvais et que son fruit est mauvais ; car on connaît l¡¯arbre par le fruit.
Race de vip¨¨res, comment pourriez-vous dire de bonnes choses, m¨¦chants comme
vous l¡¯¨ºtes ? Car c¡¯est de l¡¯abondance du cœur que la bouche parle. L¡¯homme bon
tire de bonnes choses de son bon tr¨¦sor, et l¡¯homme m¨¦chant lire de mauvaises
choses de son mauvais tr¨¦sor »
(Matthieu 12: 33-36 ; voir aussi Matthieu 7: 16, 17).
L¡¯eau sal¨¦e dont Jacques a parl¨¦ ne peut produire de l¡¯eau douce ; et l¡¯homme
m¨¦chant, comme le dit J¨¦sus, ne peut non plus dire de bonnes choses. En
revanche, si nous disons de mauvaises choses, cela indique qu¡¯il y a quelque
chose de mauvais dans notre cœur :
« Car c¡¯est de l¡¯abondance du cœur que la bouche parle ».
D¡¯ailleurs, si nous employons la langue pour maudire comme pour b¨¦nir, les
b¨¦n¨¦dictions que nous prononçons deviennent elles-m¨ºmes souill¨¦es et ne valent
plus rien. Comme il est inconcevable que la source de l¡¯eau douce fasse jaillir
de l¡¯eau am¨¨re, que le figuier produise des olives, la vigne des figues, de
m¨ºme il est inadmissible que la langue qui b¨¦nit vraiment Dieu, puisse s¡¯avilir
¨¤ maudire l¡¯homme qui est fait ¨¤ son image.
11 La douceur et la vraie sagesse (3: 13-18)
Les paroles de Jacques au sujet des mauvais usages de la langue l¡¯am¨¨nent tout
naturellement ¨¤ consid¨¦rer le probl¨¨me plus g¨¦n¨¦ral de l¡¯origine des d¨¦sordres
et des querelles dans les ¨¦glises ; et cette consid¨¦ration se poursuit jusqu¡¯au
verset 10 du chapitre 4. Dans la premi¨¨re partie de sa th¨¨se, que nous allons
¨¦tudier ¨¤ pr¨¦sent, Jacques fait allusion de nouveau ¨¤ la sagesse divine dont il
parle dans le premier chapitre (1: 5: « Si quelqu¡¯un d¡¯entre vous manque de
sagesse, qu¡¯il la demande ¨¤ Dieu » ). Son langage nous rappelle, comme il
arrive tr¨¨s souvent, celui des Proverbes ; et, en effet, dans le chapitre 3 des
Proverbes nous trouvons quelques d¨¦clarations sur la sagesse divine qui
¨¦voquent la th¨¨se de Jacques :
« Heureux l¡¯homme qui a trouv¨¦ la sagesse, Et l¡¯homme qui poss¨¨de
l¡¯intelligence... Ses voies sont des voies agr¨¦ables, Et tous ses sentiers sont
paisibles »
(Proverbes 3: 13, 17).
« Lequel d¡¯entre vous, dit Jacques, est sage et intelligent ? Qu¡¯il montre ses
œuvres par une bonne conduite avec la douceur de la sagesse »
(Jacques 3: 13).
Sans doute beaucoup de ses auditeurs faisaient-ils profession de poss¨¦der cette
sagesse, cette sagesse qui vient d¡¯en haut ; et surtout ceux d¡¯entre eux qui
enseignaient. Mais la preuve de l¡¯existence de cette sagesse, chez eux comme
chez nous, se trouve dans les œuvres, dans la bonne conduite. Ici Jacques
revient au principe qu¡¯il a d¨¦j¨¤ ¨¦nonc¨¦ plusieurs fois (1: 22-27 ; 2: 14-26) et
qui est ¨¤ la base de toute son ¨¦pître : l¡¯homme qui croit ¨ºtre religieux,
l¡¯homme qui fait profession de sa foi, l¡¯homme qui pr¨¦tend ¨¤ la sagesse ¡ª tous
les trois doivent appuyer leurs pr¨¦tentions par leurs œuvres. C¡¯est la pratique
ext¨¦rieur qui indique les vraies dispositions du cœur ; « Vous les reconnaîtrez
¨¤ leurs fruits ». Et le fruit sp¨¦cial et caract¨¦ristique de la vraie sagesse,
c¡¯est la douceur. Que l¡¯homme donc qui pr¨¦tend ¨¤ la vraie sagesse montre la
douceur qu¡¯elle inspire par ses œuvres et par sa bonne conduite.
Malheureusement, parmi ceux qui font profession de la sagesse il y en a pas mal
qui se conduisent bien autrement. Et comme nous l¡¯avons d¨¦j¨¤ not¨¦ dans un autre
chapitre, m¨ºme parmi ceux du premier si¨¨cle qui aspiraient ¨¤ enseigner il y en
avait qui le faisaient seulement pour se faire valoir et pour introduire des
sectes pernicieuses. Jacques nous met en garde contre cette erreur (chapitre 3,
versets 14-16) :
« Mais si vous avez dans votre cœur un z¨¨le amer et un esprit de dispute, ne
vous glorifiez pas et ne mentez pas contre la v¨¦rit¨¦. Cette sagesse n¡¯est point
celle qui vient d¡¯en haut ; mais elle est terrestre, charnelle, diabolique. Car
l¨¤ o¨´ il y a un z¨¨le amer et un esprit de dispute, il y a du d¨¦sordre et toutes
sortes de mauvaises actions ».
Le z¨¨le amer et l¡¯esprit factieux que condamne Jacques ¨¦taient assez r¨¦pandus
dans les ¨¦glise du premier si¨¨cle, et Paul a souvent trouv¨¦ n¨¦cessaire de les
condamner. Il exhorte les Galates ¨¤ supprimer, comme œuvres de la chair,
« les rivalit¨¦s, les querelles, les jalousies, les animosit¨¦s, les disputes,
les divisions, les sectes, l¡¯envie »
(Galates 5: 19-21).
Aux Corinthiens, il parle de l¡¯origine charnelle et humaine de la jalousie et
des disputes, qui troublent l¡¯¨¦glise :
« En effet, puisqu¡¯il y a parmi vous de la jalousie et des disputes,
n¡¯¨ºtes-vous pas charnels, et ne marchez-vous pas selon l¡¯homme ? »
(1 Corinthiens 3: 3).
Il craint de trouver, ¨¤ son arriv¨¦e chez eux,
« des querelles, de la jalousie, des animosit¨¦s, des rivalit¨¦s, des m¨¦disances,
des calomnies, de l¡¯orgueil, des troubles »
(2 Corinthiens 12: 20).
Il encourage les disciples ¨¤ Rome ¨¤ marcher honn¨ºtement,
« comme en plein jour, loin des orgies et de l¡¯ivrognerie, de la luxure et de
la d¨¦bauche, des querelles et des jalousies »
(Romains 13: 13).
Si, donc, un homme a dans son cœur un z¨¨le amer et un esprit de dispute, il n¡¯a
pas de quoi se glorifier ; il peut faire profession de la sagesse divine, mais
il ment contre la v¨¦rit¨¦ ; car la sagesse qui l¡¯inspire est enti¨¨rement
terrestre, charnelle, diabolique : cela se fait voir dans les fruits qui en
proviennent ¡ª fruits non de la douceur et de la bonne conduite, mais du d¨¦sordre
et de toutes sortes de mauvaises actions. C¡¯est en gardant les commandements de
J¨¦sus, dit Jean, que nous savons que nous l¡¯avons connu :
« Celui qui dit : Je l¡¯ai connu, et qui ne garde pas ses commandements, est un
menteur, et la v¨¦rit¨¦ n¡¯est point en lui »
(1 Jean 2: 3, 4).
Il y a donc un vif contraste entre les douces influences paisibles de la
sagesse qui vient d¡¯en haut et l¡¯amertume factieuse qu¡¯inspire la sagesse
terrestre : contraste d¨¦crite par Jacques dans des termes qui nous rappellent ses
paroles, dans les versets 11 et 12 de ce troisi¨¨me chapitre, sur l¡¯eau douce et
l¡¯eau am¨¨re.
Le proverbe dit que tous les sentiers de la vraie sagesse sont paisibles ; Paul
nous rappelle que
« Dieu n¡¯est pas un Dieu de d¨¦sordre, mais de paix »
(1 Corinthiens 14: 33) ;
et Jacques termine cet aspect de sa th¨¨se en ¨¦num¨¦rant les caract¨¦ristiques
douces et paisibles de la sagesse qui vient de Dieu (versets 17, 18) :
« La sagesse d¡¯en haut est premi¨¨rement pure, ensuite pacifique, mod¨¦r¨¦e,
conciliante, pleine de mis¨¦ricorde et de bons fruits, exempte de duplicit¨¦,
d¡¯hypocrisie. Le fruit de la justice est sem¨¦ dans la paix par ceux qui
recherchent la paix ».
« Premi¨¨rement pure » : exempte, en effet, de tout m¨¦lange d¡¯impuret¨¦
terrestre, de toute inconstance. La sagesse terrestre n¡¯a pour but que la
satisfaction des convoitises de la chair ; la sagesse d¡¯en haut exige un corps
et un esprit chastes. Et c¡¯est seulement si nous avons le cœur pur et simple
devant Dieu que nous pouvons jouir de Sa paix ¡ª et dans notre propre cœur et
dans nos relations avec les autres. Rappelons l¡¯exhortation du premier chapitre
(versets 5-8) :
« Si quelqu¡¯un d¡¯entre vous manque de sagesse, qu¡¯il la demande ¨¤ Dieu... Mais
qu¡¯il la demande avec foi, sans douter ; car celui qui doute est comme un flot
de la mer, agit¨¦ par le vent et pouss¨¦ de côt¨¦ et d¡¯autre... c¡¯est un homme
irr¨¦solu, inconstant dans toutes ses voies ».
La sagesse d¡¯en haut qui est d¡¯abord pure est aussi pacifique, mod¨¦r¨¦e,
conciliante, mis¨¦ricordieuse, bref, pleine de « bons fruits » ¡ª contrastant
ainsi avec la sagesse terrestre qui s¡¯exprime dans de « mauvaises actions ». Par
suite de sa puret¨¦ elle est ¨¦videmment exempte de duplicit¨¦, d¡¯hypocrisie. Notons
bien que Jacques tient ¨¤ souligner le caract¨¨re pratique de la sagesse, comme
de la foi (voir chapitre 2) ¡ª caract¨¨re qui a sa manifestation parfaite dans
J¨¦sus-Christ, dont Pierre dit (Actes 10: 38) qu¡¯il « allait de lieu en lieu
faisant du bien... car Dieu ¨¦tait avec lui ».
Jacques termine cet aspect de son sujet dans le verset 18 de ce troisi¨¨me
chapitre par un r¨¦sum¨¦ clair et saisissant :
« Le fruit de la justice est sem¨¦ dans la paix par ceux qui recherchent la paix
».
Le fruit qu¡¯est la justice, fruit d¨¦sir¨¦ ardemment par tout vrai disciple de
J¨¦sus-Christ, n¡¯est produit que par la paix ; il est donc moissonn¨¦ seulement
par ceux qui s¨¨ment la paix.
« Ainsi donc, recherchons ce qui contribue ¨¤ la paix et ¨¤ l¡¯¨¦dification
mutuelle »
(Romains 14: 19).
12 L¡¯adult¨¨re spirituel (4: 1-6)
Le bon fruit de la sagesse qui vient d¡¯en haut, c¡¯est la paix (3: 17, 18). Mais
parmi les lecteurs de Jacques il y avait des luttes et des querelles, ou
plutôt, suivant le sens du grec, des disputes de mots qui aboutissaient ¨¤ des
querelles. Plus tard, ¨¦crivant ¨¤ Timoth¨¦e (1 Timoth¨¦e 6: 3-5), Paul a dû
condamner ces m¨ºmes erreurs chez ceux qui avaient « la maladie des questions
oiseuses et des disputes de mots, d¡¯o¨´ naissent l¡¯envie, les querelles, les
calomnies, les mauvais soupçons, les vaines discussions d¡¯hommes corrompus
d¡¯entendement, priv¨¦s de la v¨¦rit¨¦, et croyant que la pi¨¦t¨¦ est une source de
gain ».
Quelle est l¡¯origine de ces disputes, de ces querelles ?
« D¡¯au viennent les luttes, et d¡¯o¨´ viennent les querelles parmi vous ? »
(Jacques 4: 1).
Pas de Dieu, ¨¦videmment, car elles sont le fruit non de la sagesse divine mais
de la sagesse terrestre (voir 3: 13-15). Elles viennent, en effet, de la source
que Jacques a d¨¦j¨¤ identifi¨¦e (1: 13-15) comme origine de toute pens¨¦e et de
toute action mauvaises ¡ª de la convoitise qui habite en l¡¯homme lui-m¨ºme :
« N¡¯est-ce pas de vos passions qui combattent dans vos membres ? »
(4: 1).
Paul parle de la guerre qui se livre dans nos membres entre les convoitises
chamelles et les d¨¦sirs spirituels (Romains 7: 22, 23) :
« Je prends plaisir ¨¤ la loi de Dieu, selon l¡¯homme int¨¦rieur ; mais je vois
dans mes membres une autre loi qui lutte contre la loi de mon entendement, et
qui me rend captif de la loi du p¨¦ch¨¦ qui est dans mes membres ».
Et Pierre nous exhorte (I Pierre 2: 11) ¨¤ nous abstenir des
« convoitises charnelles qui font la guerre ¨¤ l¡¯âme ».
« Vous convoitez, et vous ne poss¨¦dez pas ; vous ¨ºtes meurtriers et envieux, et
vous ne pouvez pas obtenir ; vous avez des querelles et des luttes, et vous ne
poss¨¦dez pas, parce que vous ne demandez pas »
(Jacques 4: 2).
Les convoitises qui combattaient dans les membres des lecteurs de Jacques les
incitaient d¡¯abord ¨¤ rechercher le gain et la pr¨¦¨¦minence ; ¨¤ l¡¯instar des
disciples dont Paul a ¨¦crit ¨¤ Timoth¨¦e (1 Timoth¨¦e 6: 4), ils croyaient en
effet « que la pi¨¦t¨¦ est une source de gain ». Ils convoitaient, mais ils ne
poss¨¦daient pas : ainsi ils devenaient des meurtriers, nourrissant des pens¨¦es
envieuses et pleines de malice envers leurs fr¨¨res et leurs sœurs et provoquant
des disputes et des querelles.
Le mot de meurtriers r¨¦clame notre attention. Dans le sermon sur la montagne
J¨¦sus dit que l¡¯homme qui regarde une femme pour la convoiter a d¨¦j¨¤ commis un
adult¨¨re avec elle dans son cœur ; et que celui qui se met en col¨¨re contre son
fr¨¨re est dans le m¨ºme ¨¦tat que celui qui l¡¯a tu¨¦ (Matthieu 5: 27, 28, 21-23). L¡¯apôtre
Jean d¨¦clare (1 Jean 3; 15) que
« quiconque hait son fr¨¨re est un meurtrier ».
Ainsi il s¡¯ensuit que, parmi les disciples ¨¤ qui Jacques ¨¦crit, ceux qui sont
excit¨¦s par la convoitise du gain et de la pr¨¦¨¦minence, se constituent devant
Dieu « meurtriers et envieux ». Pourtant, il reste toujours possible que
Jacques emploie le mot de meurtriers avec une signification litt¨¦rale aussi :
car, d¡¯abord, les faux disciples pourraient bien entraîner par leurs actions la
mort spirituelle des âmes mal affermies qu¡¯ils s¨¦duisaient ; et, en plus, ils
¨¦taient fort capables de provoquer la mort physique de leurs victimes, ou en
les r¨¦duisant ¨¤ une mis¨¨re extr¨ºme (voir 5: 6), ou, dans le cas des âmes
sensibles, par l¡¯effet des querelles et des discordes continuelles.
La convoitise, le meurtre, l¡¯envie, les disputes, les querelles... et jamais on
n¡¯arrivait ¨¤ obtenir ce qu¡¯on d¨¦sirait. Et pourquoi ? Tout simplement, dit
Jacques, parce qu¡¯on ignorait Dieu :
« En toute chose faites connaître vos besoins ¨¤ Dieu par des pri¨¨res et des
supplications, avec des actions de grâces »
(Philippiens 4: 6).
On peut facilement imaginer la r¨¦ponse des faux disciples : « Mais vous avez
tort ; nous prions toujours ; nous ne cessons de demander ! ». Peut-¨ºtre ! Ils
demandaient en quelque sorte, mais ils ne recevaient pas parce qu¡¯ils
ignoraient la condition essentielle de la vraie pri¨¨re, d¨¦j¨¤ expliqu¨¦e plus
haut (1: 5-8). Il faut que l¡¯on
« demande avec foi, sans douter » ;
l¡¯homme irr¨¦solu et inconstant, dont les pens¨¦es sont divis¨¦es entre Dieu et
Mammon, ne recevra rien du Seigneur :
« Vous demandez, et vous ne recevez pas, parce que vous demandez mal, dans le
but de satisfaire vos passions »
(Jacques 4: 3).
Cette accusation m¨¨ne naturellement dans les versets suivants ¨¤ la condamnation
s¨¦v¨¨re de ceux qui essayaient de partager leur confiance entre Dieu et leurs
int¨¦r¨ºts mondains et charnels, condamnation d¨¦j¨¤ exprim¨¦e si ¨¦nergiquement dans
les versets auxquels nous venons de faire allusion (1: 5-8).
« Adult¨¨res que vous ¨ºtes ! » Il est possible que quelques-uns des faux
disciples aient ¨¦t¨¦ des adult¨¨res dans un sens litt¨¦ral (voir 2 Pierre 2: 13,
14) ; mais ce n¡¯est pas dans ce sens que Jacques emploie le mot ici. En effet,
il fait usage d¡¯une m¨¦taphore violente qui est, d¡¯ailleurs, assez r¨¦pandue dans
l¡¯Écriture. Dans l¡¯Ancien Testament, Dieu parle de la nation comme de Son
¨¦pouse :
« Car ton cr¨¦ateur est ton ¨¦poux »
(Ésaïe 54: 5).
Lorsque la nation lui a tourn¨¦ le dos pour adorer des idoles, Dieu a indiqu¨¦
Son d¨¦goût en employant le langage violent de l¡¯adult¨¨re. L¡¯infid¨¦lit¨¦ de la
nation envers Dieu est compar¨¦e ¨¤ l¡¯adult¨¨re d¡¯une ¨¦pouse. Lisez, par exemple,
J¨¦r¨¦mie 3, Éz¨¦chiel 16 et 23, et Os¨¦e 2. J¨¦r¨¦mie parle des « adult¨¨res » de «
l¡¯infid¨¨le Israël » (3: 8) ; Éz¨¦chiel d¨¦crit les alliances idolâtres faites
avec les
cultes d¡¯Égypte et d¡¯Assyrie comme « l¡¯œuvre d¡¯une maîtresse prostitu¨¦e » ; et
il d¨¦nonce l¡¯erreur de la nation en disant : « Tu as ¨¦t¨¦ la femme adult¨¨re, qui
reçoit des ¨¦trangers au lieu de son mari » (16: 30, 32). Utilisant cette m¨ºme
m¨¦taphore frappante, J¨¦sus condamne les Juifs de son ¨¦poque comme une «
g¨¦n¨¦ration m¨¦chante et adult¨¨re » (Matthieu 12: 39).
Ainsi on voit que l¡¯infid¨¦lit¨¦ envers Dieu, c¡¯est un adult¨¨re spirituel, et
Jacques emploie ce mot violent pour indiquer la vraie nature pernicieuse et
d¨¦goûtante de l¡¯inconstance de quelques-uns parmi ses lecteurs. Ils s¡¯¨¦taient
d¨¦di¨¦s au service de Dieu ; ils s¡¯¨¦taient constitu¨¦s en effet l¡¯¨¦pouse de Dieu
; en essayant en m¨ºme temps de satisfaire leurs convoitises charnelles, ils
brisaient le lien qui les unissaient ¨¤ Dieu ¡ª ils devenaient des adult¨¨res :
« Adult¨¨res que vous ¨ºtes! ne savez-vous pas que l¡¯amour du monde est inimiti¨¦
contre Dieu? Celui donc qui veut ¨ºtre ami du monde se rend ennemi de Dieu
»
(Jacques 4: 4).
Impossible de servir deux maîtres ; impossible de rester fid¨¨le ¨¤ Dieu et ¨¤
Mammon.
« Car l¡¯affection de la chair est inimiti¨¦ contre Dieu, parce qu¡¯elle ne se
soumet pas ¨¤ la loi de Dieu, et qu¡¯elle ne le peut m¨ºme pas »
(Romains 8: 7).
« Car quel rapport y a-t-il entre la justice et l¡¯iniquit¨¦ ? ou qu¡¯y a-t-il de
commun entre la lumi¨¨re et les t¨¦n¨¨bres ? Quel accord y a-t-il entre Christ et
B¨¦lial ? Ou quelle part a le fid¨¨le avec l¡¯infid¨¨le ? Quel rapport y a-t-il
entre le temple de Dieu et les idoles ? Car nous sommes le temple du Dieu
vivant »
(2 Corinthiens 6: 14-16).
Revenons ¨¤ Jacques (4: 5) :
« Croyez-vous que l¡¯Écriture parle en vain ? C¡¯est avec jalousie que Dieu
ch¨¦rit l¡¯esprit qu¡¯il a fait habiter en nous »
Ce n¡¯est pas ici qu¡¯il cite les termes propres d¡¯un seul passage de l¡¯Écriture
; il fait plutôt allusion au sens g¨¦n¨¦ral de plusieurs passages, o¨´ il est
question des soins jaloux et constants avec lesquels Dieu garde et nourrit le
nouvel homme spirituel qu¡¯Il a engendr¨¦ dans Ses ¨¦lus. Il ne veut pas que ce
nouvel homme p¨¦risse ¨¤ cause de notre infid¨¦lit¨¦, de notre adult¨¨re. Notons
bien que la jalousie n¡¯est pas toujours un mauvais attribut : Paul parle de la
«jalousie de Dieu » qu¡¯il ¨¦prouve ¨¤ l¡¯¨¦gard des Corinthiens (2 Corinthiens 11:
2), et il peut justement qualifier cette jalousie : « de Dieu », parce que
c¡¯est la manifestation chez Paul d¡¯un attribut divin.
Dans les passages de l¡¯Ancien Testament auxquels nous venons de faire allusion,
et o¨´ il est question de l¡¯adult¨¨re spirituel d¡¯Israël, nous devons noter
comment les proph¨¨tes soulignent la mis¨¦ricorde et l¡¯amour de Dieu (voir
J¨¦r¨¦mie 3: 15 ; Éz¨¦chiel 16: 3-14 ; et aussi Deut¨¦ronome 32: 10-21). En effet,
c¡¯est ¨¤ cause de Sa jalousie ¨¤ l¡¯¨¦gard de Ses ¨¦lus que Dieu les châtie de temps
¨¤ autre, pour qu¡¯ils retournent ¨¤ leur fid¨¦lit¨¦ originale :
« Je te jugerai comme on juge les femmes adult¨¨res ... Je ferai cesser ainsi ta
d¨¦bauche »
(Éz¨¦chiel 16: 38-43).
Dieu qui s¡¯est d¨¦crit aux Isra¨¦lites comme « un Dieu jaloux » ne supporte pas
qu¡¯on adore d¡¯autres dieux ; Il demande chez Ses enfants un d¨¦vouement entier
et exclusif.
C¡¯est en pensant au puissant d¨¦sir de Dieu pour le retour de Son ¨¦pouse ¨¦gar¨¦e
que Jacques ajoute :
« Il accorde, au contraire, une grâce plus excellente ; c¡¯est pourquoi
l¡¯Écriture dit :
Dieu r¨¦siste aux orgueilleux,
Mais il fait grâce aux humbles »
(verset 6).
Non seulement l¡¯Écriture dit juste en parlant du souci jaloux de Dieu ; elle
indique en plus que Dieu accorde une grâce m¨ºme plus excellente que celle-l¨¤
:
la grâce de la mis¨¦ricorde et du pardon des p¨¦ch¨¦s pour ceux qui s¡¯humilient et
qui se repentent. C¡¯est pour indiquer cela que l¡¯Écriture dit (Proverbes 3: 34)
:
« Il se moque des moqueurs, (Dieu r¨¦siste aux orgueilleux) Mais il fait grâce
aux humbles ».
C¡¯est de l¡¯exhortation qui coule de cette assurance que nous essaierons de
traiter dans notre prochain chapitre.
13 L¡¯humilit¨¦ pr¨¦c¨¨de la gloire (4: 7-10)
« Dieu r¨¦siste aux orgueilleux, Mais il fait grâce aux humbles »
¡ª proverbe que Jacques a rappel¨¦ au souvenir de ses lecteurs dans le verset 6 ;
proverbe, d¡¯ailleurs, qui ¨¦voque les paroles ¨¦mouvantes d¡¯Ésaïe (57: 15) :
« Car ainsi parle le Tr¨¨s-Haut,
Dont la demeure est ¨¦ternelle et dont le nom est saint :
J¡¯habite dans les lieux ¨¦lev¨¦s et dans la saintet¨¦ ;
Mais je suis avec l¡¯homme contrit et humili¨¦,
Afin de ranimer les esprits humili¨¦s,
Afin de ranimer les cœurs contrits ».
C¡¯est de l¡¯exhortation qui coule de cette pens¨¦e que Jacques traite dans les
versets 7 ¨¤ 10. L¡¯essentiel, tout ¨¦videmment, c¡¯est que l¡¯on s¡¯humilie devant
Dieu :
« Soumettez-vous donc ¨¤ Dieu »
(verset 7).
Mais le corollaire de la soumission ¨¤ Dieu, c¡¯est la r¨¦sistance ¨¤ l¡¯ennemi de
Dieu ¡ª ¨¤ cette puissance habitant en nos membres qui lutte contre la loi de
Dieu et qui nous rend « captifs de la loi du p¨¦ch¨¦ » (Romains 7: 23) ;
puissance d¨¦j¨¤ identifi¨¦e plus haut (Jacques 1: 13-15) et appel¨¦e l¨¤ « la
convoitise ». « Ne donnez pas acc¨¨s au diable » ¨¦crit Paul aux Éph¨¦siens (4:
27). « R¨¦sistez au diable, » dit Jacques, « et il fuira loin de vous » (4: 7) :
assurance confirm¨¦e par l¡¯exp¨¦rience de J¨¦sus dans le d¨¦sert (Matthieu 4: 11 :
apr¨¨s la tentation « le diable le laissa ») et appuy¨¦e par l¡¯apôtre Jean (I
Jean 5: 18):
« Nous savons que quiconque est n¨¦ de Dieu ne pratique pas le p¨¦ch¨¦ ; mais
celui qui est n¨¦ de Dieu se garde lui-m¨ºme, et le malin ne le touche pas ».
« R¨¦sistez au diable et il fuira loin de vous »,
mais, pour faire contraste :
« Approchez-vous de Dieu, et il s¡¯approchera de vous »
(verset 8).
Il est essentiel de comprendre que c¡¯est Dieu qui s¡¯est approch¨¦ tout d¡¯abord
de l¡¯homme p¨¦cheur, en prenant des mesures pour lui couvrir les p¨¦ch¨¦s. L¡¯amour,
dit Jean, consiste essentiellement,
« non point en ce que nous avons aim¨¦ Dieu, mais en ce qu¡¯il nous a aim¨¦s et
envoy¨¦ son Fils comme victime expiatoire pour nos p¨¦ch¨¦s »
(1 Jean 4: 10).
Ce n¡¯est qu¡¯en vertu de cet arrangement que nous pouvons nous approcher de
Dieu:
« Étant... justifi¨¦s par la foi, nous avons la paix avec Dieu par notre
Seigneur J¨¦sus-Christ, ¨¤ qui nous devons d¡¯avoir eu par la foi acc¨¨s ¨¤ cette
grâce »
(Romains 5: 1,2).
Mais apr¨¨s que Dieu nous a appel¨¦s pour participer ¨¤ cette grâce, il nous
incombe toujours de r¨¦pondre ¨¤ Son invitation, de nous approcher de Lui de
notre côt¨¦ et de demeurer en Lui. Du vrai chr¨¦tien on peut dire, comme on a dit
d¡¯H¨¦noc (Gen¨¨se 5: 24), qu¡¯il marche avec Dieu.
Il arrive quelquefois qu¡¯un homme marche avec Dieu pendant quelque temps, puis
qu¡¯il Lui tourne volontairement le dos ; ou bien, pour changer de m¨¦taphore,
qu¡¯il rejette la couverture que Dieu lui a donn¨¦ pour cacher ses p¨¦ch¨¦s. Or,
Dieu est toujours et enti¨¨rement juste ; Il ne peut pas regarder
sympathiquement le p¨¦ch¨¦ :
« Tes yeux sont trop purs pour voir le mal,
Et tu ne peux pas regarder l¡¯iniquit¨¦ »
(Habakuk 1: 13).
Ainsi il s¡¯ensuit que Dieu doit enfin abandonner l¡¯homme, ou la nation, qui
rejette continuellement Ses commandements. C¡¯est ce dit le proph¨¨te Azaria ¨¤
Asa, roi de Juda :
« Écoutez-moi Asa, et tout Juda et Benjamin ! L¡¯Éternel est avec vous quand
vous ¨ºtes avec lui ; si vous le cherchez, vous le trouverez ; mais si vous
l¡¯abandonnez, il vous abandonnera »
(2 Chroniques 15: 1, 2).
En fait, la nation d¡¯Israël s¡¯est montr¨¦e souvent r¨¦calcitrante devant la
patience de Dieu ; Malachie la r¨¦primande avec force :
« depuis le temps de vos p¨¨res, vous vous ¨ºtes ¨¦cart¨¦s de mes
ordonnances,
Vous ne les avez point observ¨¦es »
(Malachie 3: 7).
Mais Dieu « prend plaisir ¨¤ la mis¨¦ricorde », Il est toujours pr¨ºt ¨¤ pardonner
l¡¯iniquit¨¦, ¨¤ oublier les p¨¦ch¨¦s (voir Mich¨¦e 7: 18,19) ; ainsi Malachie
continue :
« Revenez ¨¤ moi, et je reviendrai ¨¤ vous,
Dit l¡¯Éternel des arm¨¦es ».
Et pendant la longue histoire de la d¨¦sob¨¦issance de la nation, les proph¨¨tes
ont souvent ordonn¨¦ aux Isra¨¦lites de revenir de leur mauvaise voie pour ¨ºtre
de nouveau b¨¦nis par Dieu (voir, par exemple, J¨¦r¨¦mie 25: 5 ; 35: 15).
Ainsi, comme quelques-uns parmi les lecteurs de Jacques, ceux qui se sont
¨¦loign¨¦s de Dieu n¡¯ont qu¡¯¨¤ se repentir et qu¡¯¨¤ se rapprocher de Lui, pour
qu¡¯Il se rapproche d¡¯eux :
« Approchez-vous de Dieu, et il s¡¯approchera de vous ».
Il est n¨¦anmoins essentiel que le rapprochement soit sinc¨¨re, sans aucune trace
de l¡¯inconstance, de l¡¯irr¨¦solution, de l¡¯hypocrisie que Jacques a d¨¦j¨¤
condamn¨¦es (1: 5-8 ; 4: 3,4).
« L¡¯Éternel est pr¨¨s de tous ceux qui l¡¯invoquent »,
dit le Psalmiste,
« De tous ceux qui l¡¯invoquent avec sinc¨¦rit¨¦ ».
Toujours Jacques revient ¨¤ cette id¨¦e de l¡¯inconstance, de l¡¯irr¨¦solution,
comme ¨¤ la vraie source des maux qui se manifestent chez ses lecteurs. Ainsi il
continue son exhortation, les conjurant de nettoyer les mains de tout p¨¦ch¨¦ et
le cœur de toute irr¨¦solution :
« Nettoyez vos mains, p¨¦cheurs ; purifiez vos cœurs, hommes irr¨¦solus »
(Jacques 4: 8).
La loi de Moïse ordonnait aux sacrificateurs de se sanctifier et de se laver
les mains avant de se pr¨¦senter devant Dieu :
« Que les sacrificateurs, qui s¡¯approchent de l¡¯Éternel,se sanctifient aussi,
de peur que l¡¯Éternel ne les frappe de mort... Aaron et ses fils se laveront
les mains et les pieds. Lorsqu¡¯ils entreront dans la tente d¡¯assignation, ils
se laveront... afin qu¡¯ils ne meurent point ; et aussi lorsqu¡¯ils
s¡¯approcheront de l¡¯autel »
(Exode 19: 22 ; 30: 19-21).
Or, ce lavement des mains et des pieds, c¡¯¨¦tait une action symbolique pour
indiquer aux Isra¨¦lites la n¨¦cessit¨¦ de la repentance, de la purification
personnelle avant de pouvoir s¡¯approcher de Dieu. Mais de telles actions
devenaient vite automatiques et vides de sens ; elles cessaient enfin de porter
aucune relation ¨¤ la vie journali¨¨re d¡¯Israël. A l¡¯¨¦poque d¡¯Ésaïe, Dieu a
condamn¨¦ avec force l¡¯hypocrisie du peuple :
« Qu¡¯ai-je affaire de la multitude de vos sacrifices ? dit l¡¯Éternel...
Quand vous venez vous pr¨¦senter devant moi,
Qui vous demande de souiller mes parvis ?
Cesser d¡¯apporter de vaines offrandes :
J¡¯ai en horreur l¡¯encens,
Les nouvelles lunes, les sabbats et les assembl¨¦es ;
Je ne puis voir le crime s¡¯associer aux solennit¨¦s...
Quand vous ¨¦tendez vos mains, je d¨¦tourne de vous mes yeux ;
Quand vous multipliez les pri¨¨res, je n¡¯¨¦coute pas :
Vos mains sont pleines de sang »
(Ésaïe 1: 11-15).
Il les exhorte ¨¤ se laver, ¨¤ se purifier ; et il paraît bien ici, comme chez
Jacques, que le lavement et la purification dont Il parle se rapportent aux
actions, ¨¤ la vie enti¨¨re, de ses auditeurs :
« Lavez-vous, purifiez-vous,
Ôtez de devant mes yeux la m¨¦chancet¨¦ de vos actions ;
Cessez de faire le mal.
Apprenez ¨¤ faire le bien, recherchez la justice,
Prot¨¦gez l¡¯opprim¨¦ ;
Faîtes droit ¨¤ l¡¯orphelin,
D¨¦fendez la veuve »
(versets 16, 17).
J¨¦sus a condamn¨¦ les pharisiens et les scribes de sa g¨¦n¨¦ration parce qu¡¯ils
manifestaient la m¨ºme attitude que leurs p¨¨res de l¡¯¨¦poque d¡¯Ésaïe (Matthieu
15:1-9) ; il condamne leur inconstance ¨¤ propos du lavement des mains et
d¨¦clare :
« Hypocrites, Ésaïe a bien proph¨¦tis¨¦ sur vous, quand il a dit :
Ce peuple m¡¯honore des l¨¨vres,
Mais son cœur est ¨¦loign¨¦ de moi,
C¡¯est en vain qu¡¯ils m¡¯honorent ».
Dans l¡¯exhortation de Jacques, donc, « les mains » repr¨¦sentent les actions, la
conduite ; et « le cœur » les pens¨¦es et les intentions. Nous remarquons un
usage identique de ces mots chez David :
« Je lave mes mains dans l¡¯innocence
Et je vais autour de ton autel, ô Éternel »
(Psaume 26: 6) ;
chez Paul :
« Je veux donc que les hommes prient en tout lieu, en ¨¦levant des mains pures,
sans col¨¨re ni mauvaises pens¨¦es »
(1 Timoth¨¦e 2: 8) ;
chez Pierre :
« Ayant purifi¨¦ vos âmes en ob¨¦issant ¨¤ la v¨¦rit¨¦ pour avoir un amour fraternel
sinc¨¨re, aimez-vous ardemment les uns les autres, de tout votre cœur »
(1 Pierre 1: 22) ;
et surtout dans le Psaume 24, aux versets 3 et 4 :
« Qui pourra monter ¨¤ la montagne de l¡¯Éternel?
Qui s¡¯ ¨¦l¨¨vera jusqu¡¯¨¤ son lieu saint?
Celui qui a les mains innocentes et le cœur pur ».
Il nous semble presque certain que Jacques ¨¦voque ces paroles du Psaume. (Voir
aussi 1 Jean 3: 2, 3.)
L¡¯exhortation de Jacques, c¡¯est donc essentiellement un appel ¨¤ la repentance,
¨¤ un changement d¡¯attitude de la part de ses lecteurs (ou de quelques-uns parmi
eux) :
« Sentez votre mis¨¨re ; soyez dans le deuil et dans les larmes ; que votre rire
se change en deuil, et votre joie en tristesse »
(Jacques 4: 9)
exhortation ¨¤ une affliction sinc¨¨re de l¡¯esprit, ¨¤ l¡¯instar de celle d¡¯Ésaïe
22: 12 et de celle que Joël a proph¨¦tis¨¦e (2: 12-14) ; affliction qualifi¨¦e par
J¨¦sus de source de consolation et de paix (Matthieu 5: 4) :
« Heureux les afflig¨¦s car ils seront consol¨¦s ! ».
Le rire et la joie dont Jacques parle sont, bien entendu, ceux qui proviennent
de la gaiet¨¦ folle et inconsid¨¦r¨¦e, condamn¨¦e par Ésaïe (22: 12,13) :
« Le Seigneur, l¡¯Éternel des arm¨¦es, vous appelle en ce jour
A pleurer et ¨¤ vous frapper la poitrine,
A vous raser la t¨ºte et ¨¤ ceindre le sac.
Et voici de la gaiet¨¦ et de la joie !
On ¨¦gorge des bœufs et l¡¯on tue des brebis,
On mange de la viande et l¡¯on boit du vin :
Mangeons et buvons, car demain nous mourrons ! ».
(Voir aussi Amos 8: 10 ; Luc 6: 25.) L¡¯attitude que Jacques exhorte ses
lecteurs ¨¤ prendre, c¡¯est justement celle du publicain dans la parabole de
J¨¦sus (Luc 18: 9-14) : il
« n¡¯osait m¨ºme pas lever les yeux au ciel ; mais il se frappait la poitrine, en
disant : Ô Dieu, sois apais¨¦ envers moi, qui suis un p¨¦cheur ».
Quelle est la distinction essentielle dans cette parabole entre l¡¯attitude du
pharisien et celle du publicain ? Évidemment que celui-l¨¤ ¨¦tait plein
d¡¯orgueil, se croyant juste, tandis que celui-ci ¨¦tait vraiment humble, se
reconnaissant p¨¦cheur. Or, l¡¯humilit¨¦ est la base de toute vraie repentance ;
ainsi Jacques revient dans le verset 10 ¨¤ la pens¨¦e avec laquelle il a commenc¨¦
son exhortation ¡ª ¨¤ la n¨¦cessit¨¦ de l¡¯humilit¨¦ :
« Humiliez-vous devant le Seigneur, et il vous ¨¦l¨¨vera ».
Il est int¨¦ressant de remarquer les parall¨¨les ¨¦troits entre le langage de
Jacques et celui de Pierre (comparez, par exemple Jacques 1: 18-21 avec 1
Pierre 1: 25 et 2: 3) ; constatons ici que Pierre reproduit dans sa premi¨¨re
lettre (5: 5, 6) presque exactement le langage de Jacques 4: 6-10 :
« Et tous, dans vos rapports mutuels, rev¨ºtez-vous d¡¯humilit¨¦ ; car
Dieu r¨¦siste aux orgueilleux,
Mais il fait grâce aux humbles.
Humiliez-vous donc sous la puissante main de Dieu, afin qu¡¯il
vous ¨¦l¨¨ve au temps convenable »
(1 Pierre 5: 5, 6).
C¡¯est un principe souvent r¨¦it¨¦r¨¦ dans l¡¯Écriture, que l¡¯¨¦l¨¦vation et la gloire
proviennent de l¡¯humilit¨¦ : « L¡¯humilit¨¦ pr¨¦c¨¨de la gloire » , dit le proverbe
(Proverbes 15: 33 ; 18: 12) ; et encore (Proverbes 22: 4) :
« Le fruit de l¡¯humilit¨¦, de la crainte de l¡¯Éternel,
C¡¯est la richesse, la gloire et la vie ».
J¨¦sus a plusieurs fois d¨¦clar¨¦ que
« quiconque s¡¯¨¦l¨¨vera sera abaisse, et quiconque s¡¯abaissera sera ¨¦lev¨¦ »
(voir, par exemple, Matthieu 23: 12).
Aux Philippiens, Paul explique comment ce principe s¡¯est manifest¨¦ dans
l¡¯exp¨¦rience de J¨¦sus :
« Il a paru comme un vrai homme, il s¡¯est humilie lui-m¨ºme, se rendant
ob¨¦issant jusqu¡¯¨¤ la mort, m¨ºme jusqu¡¯¨¤ la mort de la croix. C¡¯est pourquoi
aussi Dieu l¡¯a souverainement ¨¦lev¨¦, et lui a donn¨¦ le nom qui est au-dessus de
tout nom »
(Philippiens 2: 7-9).
Et l¡¯apôtre nous exhorte :
« Ayez en vous les sentiments qui ¨¦taient en J¨¦sus-Christ »
(Philippiens 2: 5).
Si nous voulons devenir participants de la gloire de J¨¦sus, nous devrions faire
bien attention ¨¤ cette exhortation.
« Humiliez-vous devant le Seigneur, et il vous ¨¦l¨¨vera ».
14 La m¨¦disance et la parole pr¨¦somptueuse (4: 11-17)
Dans ces versets Jacques revient ¨¤ la condamnation d¡¯un p¨¦ch¨¦ habituel chez ses
lecteurs, et, en effet, chez toute l¡¯humanit¨¦ ¡ª c¡¯est-¨¤-dire, le mauvais usage
de la langue. Il vient de parler de l¡¯irr¨¦solution et de l¡¯humilit¨¦ ; et les
deux erreurs qu¡¯il va condamner proviennent justement de l¡¯irr¨¦solution et du
manque d¡¯humilit¨¦.
D¡¯abord il traite de la m¨¦disance et de la calomnie :
« Ne parlez point mal les uns des autres, fr¨¨res. Celui qui parle mal d¡¯un
fr¨¨re, ou qui juge son fr¨¨re, parle mal de la loi et juge la loi. Or, si tu
juges la loi, tu n¡¯es pas observateur de la loi, mais tu es un juge »
(Jacques 4: 11).
La m¨¦disance et la calomnie sont parmi les caract¨¦ristiques du païen non
r¨¦g¨¦n¨¦r¨¦, tares que le chr¨¦tien doit fuir (Romains 1: 30 ; Colossiens 3: 8) ;
infirmit¨¦s, d¡¯ailleurs, condamn¨¦es par la loi royale (Jacques 2: 8) qui nous
ordonne d¡¯aimer notre prochain comme nous-m¨ºmes. Aux Isra¨¦lites Dieu a command¨¦
par Moïse :
« Tu ne r¨¦pandras point de calomnies parmi ton peuple... Tu aimeras ton
prochain comme toi-m¨ºme »
(L¨¦vitique 19: 16-18).
Et comme nous l¡¯avons d¨¦j¨¤ vu (Chapitre 8) J¨¦sus a confirm¨¦ ce commandement, le
rendant obligatoire pour tout chr¨¦tien. La m¨¦disance paraît tr¨¨s souvent sous
la forme de jugements pr¨¦cipit¨¦s et inconsid¨¦r¨¦s sur nos prochains ; comme le
dit Jacques, on « juge son fr¨¨re ». A ce propos J¨¦sus d¨¦clare (Matthieu 7: 1-3)
:
« Ne jugez point, afin que vous ne soyez pas jug¨¦s. Car on vous jugera du
jugement dont vous jugez, et l¡¯on vous mesurera avec la mesure dont vous
mesurez. Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l¡¯œil de ton fr¨¨re, et
n¡¯aperçois-tu pas la poutre qui est dans ton œil ? »
Pour deux raisons nous ne devrions pas r¨¦pandre des jugements calomnieux ou peu
charitables au sujet de nos prochains : la premi¨¨re, ¨¤ laquelle J¨¦sus fait
allusion ici, c¡¯est que nous p¨¦chons tous de plusieurs mani¨¨res et il ne nous
est point convenable d¡¯attirer l¡¯attention sur les d¨¦fauts, ou r¨¦els ou
imagin¨¦s, d¡¯autrui. Paul dit aux Juifs ¨¤ Rome (Romains 2: 1) :
« Ô homme, qui que tu sois, toi qui juges, tu es donc inexcusable ; car, en
jugeant les autres, tu te condamnes toi-m¨ºme, puisque toi qui juges, tu fais
les m¨ºmes choses ».
Nul homme, en effet, n¡¯a le droit de condamner les autres ; voil¨¤ une fonction
qui n¡¯appartient qu¡¯¨¤ Dieu seul, ¨¤ celui qui seul est juste et sait juger avec
justice. Et voici la seconde raison pour laquelle l¡¯Écriture condamne la
m¨¦disance : celui qui parle mal de son prochain, dit Jacques, ou qui juge son
prochain, parle mal, implicitement, de la loi qui condamne la m¨¦disance ; il
juge la loi. Il cesse, en effet, d¡¯¨ºtre observateur de la loi et en devient
juge. Ainsi il s¡¯arroge, ¨¤ lui-m¨ºme, les fonctions de l¨¦gislateur et de juge
qui appartiennent ¨¤ Dieu seul ¡ª esp¨¨ce d¡¯erreur qui indique un manque total
d¡¯humilit¨¦ :
« Un seul est l¨¦gislateur et juge, c¡¯est celui qui peut sauver et perdre ; mais
toi, qui est-tu, qui juges le prochain ? »
(Jacques 4: 12).
J¨¦sus nous rappelle le pouvoir du jugement de Dieu (Matthieu 10: 28) :
« Ne craignez pas pas ceux qui tuent le corps et qui ne peuvent tuer l¡¯âme ;
craignez plutôt celui qui peut faire p¨¦rir l¡¯âme et le corps dans la g¨¦henne ».
Et Ésaïe dit (Ésaïe 33: 22) :
« Car l¡¯Éternel est notre juge, L¡¯Éternel est notre l¨¦gislateur, L¡¯Éternel est
notre roi ; C¡¯est lui qui nous sauve »
¡ª d¨¦claration cit¨¦e tr¨¨s clairement dans les paroles par lesquelles Jacques
condamne la m¨¦disance et le jugement humain. Paul ¨¦crit aux Corinthiens (1
Corinthiens 4: 3-5) :
« Pour moi, il m¡¯importe fort peu d¡¯¨ºtre juge par vous, ou par un tribunal
humain... Celui qui me juge, c¡¯est le Seigneur. C¡¯est pourquoi ne jugez de rien
avant le temps, jusqu¡¯¨¤ ce que vienne le Seigneur, qui mettra en lumi¨¨re ce qui
est cach¨¦ dans les t¨¦n¨¨bres, et qui manifestera les desseins des cœurs. Alors
chacun recevra de Dieu la louange qui lui sera due ».
C¡¯est l¨¤ une attitude sage et rang¨¦e que tout chr¨¦tien devrait cultiver
assidûment.
La seconde erreur dans l¡¯usage de la langue que Jacques condamne dans ces
versets, c¡¯est la parole pr¨¦somptueuse :
« A vous maintenant, qui dites : Aujourd¡¯hui ou demain nous irons dans telle
ville, nous y passerons une ann¨¦e, nous trafiquerons et nous gagnerons »
(Jacques 4: 13).
¡ª Erreur, celle-ci, qui montre non seulement un manque d¡¯humilit¨¦, mais aussi
l¡¯irr¨¦solution. Car, d¡¯abord, il est bien ¨¦vident qu¡¯il s¡¯agit ici des fr¨¨res
qui s¡¯occupaient trop de projets mat¨¦riels : « nous trafiquerons, et nous
gagnerons »
¡ª pr¨¦occupation tout ¨¤ fait naturel chez les Juifs dispers¨¦s, et dont nous
pouvons tous ¨ºtre plus ou moins coupables ; mais pr¨¦occupation condamn¨¦e
n¨¦anmoins dans l¡¯Écriture comme manque de foi. J¨¦sus nous dit de ne pas nous
inqui¨¦ter du lendemain (Matthieu 6: 25-34) et ce commandement suit de pr¨¨s son
avertissement contre l¡¯irr¨¦solution (verset 24) :
« Nul ne peut servir deux maîtres ... Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon ».
Les paroles de Jacques nous rappellent aussi la parabole de l¡¯homme riche (Luc
12: 15-21) :
« Les terres d¡¯un homme riche avaient beaucoup rapport¨¦. Et il raisonnait en
lui-m¨ºme, disant : Que ferai-je ? car je n¡¯ai pas de place pour rentrer ma
r¨¦colte. Voici, dit-il, ce que je ferai : j¡¯abattrai mes greniers, j¡¯en bâtirai
de plus grands, j¡¯y amasserai toute ma r¨¦colte et tous mes biens ; et je dirai
¨¤ mon âme : Mon âme, tu as beaucoup de biens en r¨¦serve pour plusieurs ann¨¦es ;
repose-toi, mange, bois et te r¨¦jouis. Mais Dieu lui dit : Insens¨¦ ! cette nuit
m¨ºme ton âme te sera redemand¨¦e ; et ce que tu as pr¨¦par¨¦, pour qui sera-ce ? Il
en est ainsi de celui qui amasse des tr¨¦sors pour lui-m¨ºme, et qui n¡¯est pas
riche pour Dieu »
La parabole de J¨¦sus, de m¨ºme que l¡¯exhortation de Jacques, attire l¡¯attention
sur un autre aspect de cette erreur : les paroles de l¡¯homme riche aussi bien
que celles de l¡¯homme ¨¤ qui Jacques s¡¯adresse, indiquent un manque total
d¡¯humilit¨¦ : il n¡¯est pas convenable de parler dogmatiquement de ce que l¡¯on
fera demain ¡ª voil¨¤ de la pr¨¦somption, de l¡¯arrogance : car c¡¯est Dieu seul qui
sait ce qui va arriver ¨¤ l¡¯avenir :
« Vous... ne savez pas ce qui arrivera demain ! car, qu¡¯est-ce que votre vie ?
vous ¨ºtes un vapeur qui paraît pour un peu de temps, et qui ensuite disparaît
»
(Jacques 4: 14).
L¡¯Écriture parle souvent de la courte dur¨¦e et de l¡¯incertitude de la vie
humaine (voir Jacques 1: 10), employant souvent la m¨¦taphore de la vapeur, du
souffle. Job se plaint de ce que sa vie est un souffle (7: 7) ; le psalmiste
d¨¦clare que ses jours « s¡¯¨¦vanouissent en fum¨¦e » (Psaume 102:4), et que
« L¡¯homme est semblable ¨¤ un souffle, Ses jours sont comme l¡¯ombre qui passe
»
(Psaume 144: 4).
Quelle folie, alors, de parler avec pr¨¦somption de ce que nous allons faire ¨¤
l¡¯avenir, m¨ºme un avenir tout proche.
« Ne te vante pas du lendemain, »
dit le proverbe (27: 1) auquel Jacques paraît vouloir nous renvoyer, « Car tu
ne sais pas ce qu¡¯un jour peut enfanter ».
Comment, donc, devrions-nous parler de ce que nous comptons faire ¨¤ l¡¯avenir?
« Vous devriez dire..., Si Dieu le veut, nous vivrons, et nous ferons ceci ou
cela »
(Jacques 4: 15).
Notons l¡¯exemple de Paul ¨¤ cet ¨¦gard. Lorsqu¡¯il ¨¦tait de passage ¨¤ Éph¨¨se, en
route pour J¨¦rusalem, on l¡¯a pri¨¦ de prolonger son s¨¦jour. Mais (Actes 18: 21)
« il n¡¯y consentit point, et il prit cong¨¦ d¡¯eux, en disant : Il faut
absolument que je c¨¦l¨¨bre la f¨ºle prochaine ¨¤ J¨¦rusalem. Je reviendrai vers
vous, si Dieu le veut ».
Aux Corinthiens il a ¨¦crit (1 Corinthiens 4: 19) :
« J¡¯irai bientôt chez vous, si c¡¯est la volont¨¦ du Seigneur » ;
et plus tard (16: 7) :
« Je ne veux pas cette fois vous voir en passant, mais j¡¯esp¨¨re demeurer
quelque temps aupr¨¨s de vous, si le Seigneur le permet »
Aux H¨¦breux il a d¨¦clar¨¦ (6: 1-3) :
« Laissant les ¨¦l¨¦ments de la parole de Christ, tendons ¨¤ ce qui est parfait,
sans poser de nouveau le fondement du renoncement aux œuvres mortes, de la foi en
Dieu... C¡¯est ce que nous ferons, si Dieu le permet ».
Il est donc essentiel que le chr¨¦tien se rende compte de la volont¨¦ du Seigneur
dans toutes ses actions et dans toutes ses intentions. En pensant et en parlant
pr¨¦somptueusement, dit Jacques (verset 16), nous nous glorifions dans nos
pens¨¦es orgueilleuses.
« C¡¯est chose mauvaise que de se glorifier de la sorte. »
Et Jacques termine cette section de sa lettre en soulignant la responsabilit¨¦
grave qui incombait ¨¤ ses lecteurs : ils reconnaissaient, tout au moins
th¨¦oriquement, la courte dur¨¦e de la vie de l¡¯homme et l¡¯incertitude de son
avenir, mais cette connaissance n¡¯exerçait aucun effet ni sur leurs pens¨¦es ni
sur leurs paroles. Mais connaître la v¨¦rit¨¦, c¡¯est devenir responsable devant
Dieu. J¨¦sus dit, ¨¤ l¡¯¨¦gard de ceux qui le rejetaient (Jean 15: 22) :
« Si je n¡¯¨¦tais pas venu et que je ne leur aie point parl¨¦, ils n¡¯auraient pas
de p¨¦ch¨¦ ; mais maintenant ils n¡¯ont aucune excuse de leur p¨¦ch¨¦ ».
Et Jacques de son côt¨¦ (verset 17) :
« Celui donc qui sait faire ce qui est bien, et qui ne le fait pas commet un
p¨¦ch¨¦ ».
15 Les mauvais riches (5; 1-6)
Dans le chapitre pr¨¦c¨¦dent nous avons not¨¦ qu¡¯en condamnant la parole
pr¨¦somptueuse Jacques pense surtout ¨¤ ceux qui se pr¨¦occupaient de projets
mat¨¦riels et commerciaux. Nous trouvons donc tout ¨¤ fait naturel qu¡¯il
s¡¯adresse ensuite aux riches parmi ses lecteurs, condamnant ceux d¡¯entre eux
qui amassaient des tr¨¦sors et qui se conduisaient d¡¯une mani¨¨re oppressive et
tyrannique. En les avertissant du jugement qui les menace il fait usage d¡¯un
langage tout ¨¤ fait caract¨¦ristique des proph¨¨tes de l¡¯Ancien Testament,
langage fort grave et solennel :
« A vous maintenant, riches ! Pleurez et g¨¦missez, ¨¤ cause des malheurs qui
viendront sur vous »
(Jacques 5: 1).
Ce mot « viendront » signifie dans le grec une approche imminente et soudaine :
les malheurs ¨¦taient ¨¤ la porte.
Jacques a d¨¦j¨¤ parl¨¦ (1: 9-11) de la nature passag¨¨re des richesses, et les
Proverbes nous indiquent leur futilit¨¦ au jour du jugement :
« Au jour de la col¨¨re, la richesse ne sert ¨¤ rien ;
Mais la justice d¨¦livre de la mort ...
Celui qui se confie dans ses richesses tombera,
Mais les justes verdiront comme le feuillage »
(Proverbes 11:4,28).
J¨¦sus a souvent condamn¨¦ la tendance, fort naturelle chez les hommes, de se
confier dans les richesses terrestres :
« Malheur ¨¤ vous, riches, car vous avez votre consolation ! Malheur ¨¤ vous qui
¨ºtes rassasi¨¦s, car vous aurez faim ! Malheur ¨¤ vous qui riez maintenant, car
vous serez dans le deuil et dans les larmes ! »
(Luc 6: 24,25).
On peut, si l¡¯on veut, amasser des tr¨¦sors et vivre dans les d¨¦lices sur la
terre ; mais dans ce cas notre prosp¨¦rit¨¦ se borne au pr¨¦sent : l¡¯avenir ne
nous promet rien ; nous avons d¨¦j¨¤ notre consolation !
« Ne vous amassez pas des tr¨¦sors sur la terre, o¨´ la teigne et la rouille
d¨¦truisent, et o¨´ les voleurs percent et d¨¦robent ; mais amassez-vous des
tr¨¦sors dans le ciel, o¨´ la teigne et la rouille ne d¨¦truisent point, et o¨´ les
voleurs ne percent ni ne d¨¦robent »
(Matthieu 6: 19, 20).
C¡¯est ¨¤ ces paroles que Jacques fait ¨¦videmment allusion en avertissant les
riches parmi ses lecteurs de l¡¯arriv¨¦e du jour de la teigne et de la rouille
(versets 2 et 3) :
« Vos richesses sont pourries, et vos v¨ºtements sont rong¨¦s par les teignes. Votre
or et votre argent sont rouill¨¦s ; et leur rouille s¡¯¨¦l¨¨vera en t¨¦moignage
contre vous, et d¨¦vorera vos chairs comme un feu ».
Dans le jugement qui venait sur les mauvais riches, la rouille de leurs tr¨¦sors
t¨¦moignerait, d¡¯abord, la confiance qu¡¯ils avaient eue dans les richesses
terrestres ; t¨¦moignerait aussi, en d¨¦montrant la nature passag¨¨re de ces
richesses, leur erreur en les amassant ; ainsi ce t¨¦moignage entraînerait leur
condamnation et leur destruction, d¨¦vorant leur chair « comme un feu » ¡ª
similitude qui nous rappelle les paroles de J¨¦sus (Marc 9: 43-46) sur le feu de
la g¨¦henne « qui ne s¡¯¨¦teint point » (voir Chapitre 10).
Il y avait une profonde ironie dans la situation des mauvais riches : ¨¤
l¡¯instar de l¡¯homme riche dans la parabole de Luc (voir Chapitre 14) ils se
pr¨¦occupaient d¡¯amasser des tr¨¦sors au jour m¨ºme de leur jugement :
« Vous avez amass¨¦ des tr¨¦sors dans les derniers jours »
(Jacques 5: 3)
¡ª expression qui se rapporte surtout ¨¤ la g¨¦n¨¦ration qui verra le retour du
Seigneur, mais qui peut se dire aussi de l¡¯¨¦poque qui a commenc¨¦ par la
premi¨¨re venue de J¨¦sus et qui a ¨¦t¨¦ termin¨¦e par la destruction de J¨¦rusalem
en l¡¯an 70 : ¨¦poque, surtout pendant sa derni¨¨re partie, de jugement sur le
monde juif et de pers¨¦cution pour les chr¨¦tiens. Plusieurs ann¨¦es apr¨¨s
Jacques, Pierre ¨¦crit :
« C¡¯est le moment o¨´ le jugement va commencer par la maison de Dieu. or, si
c¡¯est par nous qu¡¯il commence, quelle sera la fin de ceux qui n¡¯ob¨¦issent pas ¨¤
l¡¯Évangile de Dieu? »
(1 Pierre 4: 17-19).
¡ª Époque, donc, o¨´ les mauvais riches allaient voir tr¨¨s clairement la folie de
leur confiance dans les richesses terrestres.
Mais les riches ne s¡¯en tenaient pas ¨¤ trop se pr¨¦occuper de leurs tr¨¦sors
passagers ; ils employaient en outre le pouvoir qui en provenaient pour
opprimer ceux qui d¨¦pendaient d¡¯eux :
« Voici, le salaire des ouvriers qui ont moissonn¨¦ dans vos champs, et dont
vous les avez frustr¨¦s, crie »
(Jacques 5:4).
Voil¨¤ une erreur de tr¨¨s vieille date parmi les Juifs, et qui pouvait tr¨¨s bien
continuer ¨¤ se manifester parmi eux apr¨¨s leur conversion ; erreur, cependant,
condamn¨¦e avec force par la loi royale :
« Tu n¡¯opprimeras point ton prochain, et tu ne raviras rien par violence. Tu ne
retiendras point jusqu¡¯au lendemain le salaire du mercenaire [...] Tu aimeras
ton prochain comme toi-m¨ºme »
(L¨¦vitique 19: 13,18).
« Tu n¡¯opprimeras point le mercenaire, pauvre et indigent, qu¡¯il soit l¡¯un de
tes fr¨¨res, ou l¡¯un des ¨¦trangers demeurant dans le pays, dans tes portes. Tu
lui donneras le salaire de sa journ¨¦e avant le coucher du soleil ; car il est
pauvre, et il lui tarde de le recevoir. Sans cela, il crierait ¨¤ l¡¯Éternel
contre toi, et tu te chargerais d¡¯un p¨¦ch¨¦ »
(Deut¨¦ronome 24: 14,15).
L¡¯on voit que les riches auxquels Jacques ¨¦crivait ¨¦taient coupables de ce
p¨¦ch¨¦, et qu¡¯il fait allusion aux paroles de Dieu dans Deut¨¦ronome 24 en disant
que le salaire des ouvriers « crie », et, ensuite, que « les cris des
moissonneurs sont parvenus jusqu¡¯aux oreilles du Seigneur des arm¨¦es » (Jacques
5: 4). Cette expression, « le Seigneur des arm¨¦es », indique aussi une liaison
¨¦troite avec les paroles du proph¨¨te Malachie, qui l¡¯emploie vingt-trois fois,
et notamment dans le chapitre 3 (verset 5) en faisant allusion ¨¤ l¡¯oppression
des pauvres :
« Je m¡¯approcherai de vous pour le jugement,
Et je me hâterai de t¨¦moigner contre les enchanteurs et les adult¨¨res,
Contre ceux qui jurent faussement,
Contre ceux qui retiennent le salaire du mercenaire,
Qui oppriment la veuve et l¡¯orphelin,
Qui font tort ¨¤ l¡¯¨¦tranger, et ne me craignent pas,
Dit l¡¯Éternel des arm¨¦es»
(voir aussi J¨¦r¨¦mie 22: 13).
Ce passage contient une grande consolation pour les opprim¨¦s, mais un
avertissement s¨¦v¨¨re pour les mauvais riches, vu que les cris des moissonneurs
¨¦taient arriv¨¦s aux oreilles du Dieu qui est toujours attentif aux cris des
justes (Psaume 34: 16), aux oreilles de cet Éternel des arm¨¦es qui est toujours
actif dans l¡¯int¨¦r¨ºt de ceux qui l¡¯aiment.
Dans le verset 4, c¡¯est l¡¯injustice des riches que Jacques condamne ; dans le
verset 5 il condamne leur indulgence ¨¦goïste qui pr¨¦sentait un contraste
frappant avec la mis¨¨re des pauvres qui d¨¦pendaient d¡¯eux :
« Vous avez v¨¦cu sur la terre dans les volupt¨¦s et dans les d¨¦lices » ;
et de nouveau il souligne l¡¯ironie de leur attitude, vu qu¡¯ils s¡¯abandonnaient
¨¤ ces d¨¦lices dans le jour m¨ºme de leur destruction :
« Vous avez rassasi¨¦ vos cœurs au jour du carnage ».
L¡¯injustice, l¡¯intemp¨¦rance ¡ª et enfin la condamnation et le meurtre du juste :
« Vous avez condamn¨¦, vous avez tu¨¦ le juste, qui ne vous a pas r¨¦sist¨¦ »
(verset 6).
Le juste, c¡¯est le repr¨¦sentant de ceux parmi les lecteurs de Jacques qui
essayaient ardemment d¡¯ob¨¦ir aux commandements du Maître, et qui pouvaient
encourir ¨¤ plusieurs reprises et pour plusieurs raisons la col¨¨re des riches ¡ª
classe qui comprenait certainement les ouvriers du verset 4. L¡¯allusion ¨¤ la
condamnation du juste nous rappelle ce que Jacques a d¨¦j¨¤ ¨¦crit ¨¤ ce propos
dans le chapitre 2 (verset 6) :
« N¡¯est-ce pas les riches qui vous oppriment, et qui vous traînent devant les
tribunaux ? »
et nous pouvons tr¨¨s bien imaginer comment les oppressions auxquelles les
pauvres ¨¦taient assujettis pouvaient entraîner leur mort. Mais en d¨¦pit de
toute provocation le juste restera fid¨¨le au commandement de J¨¦sus (Matt. 5:
39-45) :
« Je vous dis de ne pas r¨¦sister au m¨¦chant. [...] Aimez vos ennemis, b¨¦nissez
ceux qui vous maudissent, faites du bien ¨¤ ceux qui vous haïssent, et priez
pour ceux qui vous maltraitent et qui vous pers¨¦cutent, afin que vous soyez
fils de votre P¨¨re qui est dans les deux ».
D¡¯ailleurs le juste se souvenait de l¡¯exemple de son Maître, de celui qui, «
injuri¨¦, ne rendait point d¡¯injures, maltrait¨¦, ne faisait point de menaces,
mais s¡¯en remettait ¨¤ celui qui juge justement »
(1 Pierre 2: 23).
Ainsi, suivant le commandement et l¡¯exemple de J¨¦sus, le juste ne r¨¦sistait pas
aux oppressions du riche. Il se confiait au Seigneur des arm¨¦es, sachant bien
qu¡¯en fin de compte il serait plus que vainqueur par celui qui l¡¯aimait.
16 La patience (5: 7-11)
Apr¨¨s avoir condamn¨¦, dans les versets 1 ¨¤ 6, les oppressions pratiqu¨¦s par les
fr¨¨res riches, Jacques passe dans les versets suivants ¨¤ l¡¯encouragement de
leurs victimes ; suivant l¡¯enseignement et l¡¯exemple de leur Maître, ils
n¡¯avaient pas r¨¦sist¨¦ ¨¤ ceux qui les opprimaient (Jacques 5: 6), et Jacques les
exhorte ¨¤ supporter toujours leurs maux avec patience. Il va sans dire que
l¡¯exhortation a une valeur, non seulement pour les justes opprim¨¦s auxquels
Jacques l¡¯a adress¨¦e principalement, mais pour nous tous qui voulons nous
montrer en v¨¦rit¨¦ les enfants de Dieu.
« Soyez donc patients, fr¨¨res, jusqu¡¯¨¤ l¡¯av¨¨nement du Seigneur »
(Jacques 5: 7) :
Paul (Romains 2: 4) et Pierre (I Pierre 3: 20) nous signalent la patience que
montre Dieu envers les hommes p¨¦cheurs et sans m¨¦rite ; nous aussi, donc, si
nous sommes vraiment enfants de Dieu, nous serons patients envers les autres ¡ª
m¨ºme envers ceux qui nous haïssent et qui nous pers¨¦cutent ; ce n¡¯est qu¡¯ainsi
que nous nous manifesterons enfants de notre P¨¨re qui est dans les cieux.
Pour donner encore plus de force ¨¤ son exhortation, Jacques fait allusion ¨¤ la
patience du laboureur qui attend les fruits de la terre ¡ª allusion ¨¤ ceux qui
moissonnent les champs (voir verset 4) :
« Voici, le laboureur attend le pr¨¦cieux fruit de la terre, prenant patience ¨¤
son ¨¦gard, jusqu¡¯¨¤ ce qu¡¯il ait reçu les pluies de la premi¨¨re et de
l¡¯arri¨¨re-saison »
(verset 7).
Eux aussi, les disciples du Seigneur, attendaient l¡¯arriv¨¦e sur la terre des
fruits bien pr¨¦cieux de la justice et de la paix au retour de leur Maître. Les
croyants aussi, de leur côt¨¦, doivent attendre avec patience :
« Vous aussi, soyez patients, affermissez vos cœurs, car l¡¯av¨¨nement du
Seigneur est proche »
(verset 8).
« L¡¯av¨¨nement du Seigneur est proche. » Il y a des liaisons ¨¦troites entre le
langage de Jacques dans ces versets et les paroles de J¨¦sus, sur la montagne
des Oliviers, quand il parle de son av¨¨nement (comparez, par exemple, Matthieu
24: 9, 13 et Jacques 5: 11 ; Matthieu 24: 33 et Jacques 5: 9). Il faut noter
bien que dans Matthieu 24 (et aussi dans Marc 13 et Luc 21) J¨¦sus a parl¨¦ de
deux av¨¨nements : d¡¯un av¨¨nement d¨¦finitif et visible lors de l¡¯¨¦tablissement
du royaume de Dieu ; mais aussi, et tout d¡¯abord, d¡¯un av¨¨nement pr¨¦liminaire
et invisible pour juger J¨¦rusalem (voir, par exemple, Matthieu 24: 14-21). Or,
il est fort significatif que ce soit seulement dans les ¨¦pîtres adress¨¦es aux
¨¦glises d¡¯origine juive que l¡¯on trouve des d¨¦clarations, telle que celle de
Jacques, que l¡¯av¨¨nement du Seigneur est « proche » (voir, par exemple, H¨¦breux
10: 36, 37 et 1 Pierre 4: 7 ; comparez 2 Thessaloniciens 2: 1-4). Pour le monde
païen l¡¯av¨¨nement et le jugement du Seigneur restaient assez ¨¦loign¨¦s ; mais
sur le monde juif viendrait bientôt le jugement pr¨¦dit par J¨¦sus dans Matthieu
24. C¡¯est ¨¤ ce jugement-ci que Jacques et Paul et Pierre font allusion
lorsqu¡¯ils ¨¦crivent aux ¨¦glises d¡¯origine juive que l¡¯av¨¨nement du Seigneur est
proche ¡ª av¨¨nement invisible qui a ¨¦t¨¦ manifest¨¦ dans la destruction de
J¨¦rusalem en l¡¯an 70. Voici une ¨¨re de jugement sur les mauvais riches et sur
d¡¯autres gens pareils ; ¨¨re que les justes pouvaient accueillir comme celle de
leur d¨¦livrance :
« Soyez patients, affermissez vos cœurs, car l¡¯av¨¨nement du Seigneur est proche
»
(verset 8).
Quelquefois on est assez maître de soi pour ne pas r¨¦sister ¨¤ ceux qui nous
pers¨¦cutent, mais on ne peut pas en m¨ºme temps s¡¯emp¨ºcher de murmurer contre
eux. Mais murmurer contre un autre, se plaindre l¡¯un de l¡¯autre, c¡¯est juger
l¡¯autre ; c¡¯est s¡¯arroger ¨¤ soi-m¨ºme la fonction de juge qui appartient, comme
nous l¡¯avons d¨¦j¨¤ vu (Jacques 4: 11, 12 ¡ª chapitre 14), ¨¤ Dieu seul.
« Ne vous plaignez pas les uns des autres, fr¨¨res, afin que vous ne soyez pas
jug¨¦s » (verset 9).
Voil¨¤ une leçon bien difficile ¨¤ mettre en pratique ; mais au moment m¨ºme de la
provocation la plus s¨¦v¨¨re, nous devons nous souvenir toujours de notre propre
besoin de mis¨¦ricorde et de pardon. En nous appelant, Dieu s¡¯est montr¨¦ patient
et mis¨¦ricordieux envers nous, m¨ºme en l¡¯absence de tout m¨¦rite de notre part ;
si nous voulons nous montrer Ses enfants, nous devons ¨ºtre patients aussi ¡ª
m¨ºme envers ceux qui ne paraissent pas le m¨¦riter. Cela implique que nous ne
devrions pas nous plaindre d¡¯eux, que dans ce cas, comme dans tout autre, il
faut tenir la langue en bride (voir 1: 26 ; 3: 1-12), ¨¤ plus forte raison parce
que pour nous, comme pour les lecteurs de Jacques, « le juge est ¨¤ la porte ».
Pour encourager encore davantage les justes, Jacques leur rappelle la patience
qu¡¯avaient montr¨¦e les proph¨¨tes au milieu de leurs tribulations :
« Prenez, mes fr¨¨res, pour mod¨¨les de souffrance et de patience les proph¨¨tes
qui ont parl¨¦ au nom du Seigneur »
(verset 10) ;
exhortation qui rappelle l¡¯allusion de Paul (H¨¦breux 11: 36-38) aux souffrances
des proph¨¨tes qui, par la foi,
« subirent les moqueries et le fouet, les chaînes et la prison ; ils furent
lapid¨¦s, scies, tortur¨¦s ; ils moururent tu¨¦s par l¡¯¨¦p¨¦e ; ils all¨¨rent 稤 et
l¨¤, v¨ºtus de peaux de brebis et de peaux de ch¨¨vres, d¨¦nu¨¦s de tout,
pers¨¦cut¨¦s, maltrait¨¦s [...] errants dans les d¨¦serts et tes montagnes, dans
les cavernes et les antres de la terre ».
« Voici (dit Jacques, verset 11), nous disons bienheureux ceux qui ont souffert
patiemment » ;
paroles qui ¨¦voquent vivement l¡¯exhortation du chapitre 1, verset 12 :
« Heureux l¡¯homme qui supporte patiemment la tentation ; car, apr¨¨s avoir ¨¦t¨¦
¨¦prouv¨¦, il recevra la couronne de vie, que le Seigneur a promise ¨¤ ceux qui
l¡¯aiment »,
Pour terminer son exhortation sur la patience, Jacques ¨¦voque la patience de
Job devant les tribulations qui l¡¯affligeaient. « Maudis Dieu et meurs ! » lui
a dit sa femme ; mais Job de r¨¦pondre:
« L¡¯Éternel a donn¨¦, et l¡¯Éternel a ôt¨¦ ; que le nom de l¡¯Éternel soit b¨¦ni! [...]
Quoi ! nous recevons de Dieu le bien, et nous ne recevrions pas aussi le mal ! En
tout cela (d¨¦clare l¡¯Écriture), Job ne p¨¦cha point par ses l¨¨vres »
(Job 1: 21 ; 2: 9, 10).
Et m¨ºme devant les provocations de ses amis, Job a longtemps montr¨¦ de la
patience ; et enfin il a goût¨¦ la mis¨¦ricorde et la compassion grâce ¨¤ la fin
que le Seigneur lui a accord¨¦e, fin qui amenait la purification de son
caract¨¨re et sa b¨¦n¨¦diction mat¨¦rielle :
« Vous avez entendu parler de la patience de Job, et vous avez vu la fin que le
Seigneur lui accorda, car le Seigneur est plein de mis¨¦ricorde et de compassion
»
(Jacques 5: 11).
Consolation supr¨ºme que celle de savoir, m¨ºme au milieu des souffrances les
plus s¨¦v¨¨res, m¨ºme ¨¤ l¡¯heure des provocations les plus aiguës, que par ces
m¨ºmes tentations Dieu accomplit pour nous notre salut ¨¦ternel. Ainsi nous
revenons sur nos pas pour appr¨¦cier de nouveau la force de la premi¨¨re
exhortation que Jacques nous a adress¨¦e ( 1: 2-4) :
« Mes fr¨¨res, regardez comme un sujet de joie compl¨¨te les diverses ¨¦preuves
auxquelles vous pouvez ¨ºtre expos¨¦s, sachant que l¡¯¨¦preuve de votre foi produit
la patience. Mais il faut que la patience accomplisse parfaitement son œuvre,
afin que vous soyez parfaits et accomplis, sans faillir en rien ».
17 Exhortations diverses (5: 12-20)
L¡¯¨¦pître de Jacques se termine par quelques exhortations sur des sujets divers
; et d¡¯abord (chapitre 5, verset 12) Jacques traite d¡¯un nouvel abus de la
langue :
« Avant toutes choses, mes fr¨¨res, ne jurez ni par le ciel, ni par la terre, ni
par aucun autre serment. Mais que votre oui soit oui, et que votre non soit
non, afin que vous ne tombiez pas sous le jugement. »
Nous avons not¨¦ plusieurs fois que Jacques se montre tr¨¨s au courant du sermon
de J¨¦sus sur la montagne, et dans ce verset nous avons une citation manifeste
de ce sermon (Matthieu 5: 33-37). Jacques se borne ¨¤ r¨¦p¨¦ter le commandement,
tandis que J¨¦sus ajoute la raison qui est au fond du commandement :
« Je vous dis de ne jurer aucunement, ni par le ciel, parce que c¡¯est le trône
de Dieu ; ni par la terre, parce que c¡¯est son marchepied ; ni par J¨¦rusalem,
parce que c¡¯est la ville du grand roi. Ne jure pas non plus par ta t¨ºte, car tu
ne peux rendre blanc ou noir un seul cheveu. Que votre parole soit oui, oui,
non, non ; ce qu¡¯on y ajoute vient du malin. »
Exhortation ¨¤ t¨¦moigner une mod¨¦ration circonspecte dans l¡¯usage de la langue.
« Quelqu¡¯un parmi vous est-il dans la souffrance ? Qu¡¯il prie. Quelqu¡¯un est-il
dans la joie ? Qu¡¯il chante des cantiques »
(Jacques 5: 13).
Adorer Dieu, tant par la pri¨¨re que par les cantiques, c¡¯est la meilleur
expression de la souffrance comme de la joie. Dans la souffrance il ne nous
convient pas de nous plaindre ¡ª ni des hommes ni de Dieu ; nous devons chercher
aupr¨¨s de Dieu la sagesse et la patience susceptibles de nous aider ¨¤
pers¨¦v¨¦rer jusqu¡¯¨¤ la fin. Lorsque nous sommes heureux, il ne nous convient pas
non plus de nous livrer ¨¤ une gaiet¨¦ d¨¦r¨¦gl¨¦e et pr¨¦somptueuse ; nous devons
mettre en pratique le bon conseil de Paul aux Éph¨¦siens (5: 19, 20) :
« Entretenez-vous par des psaumes, par des hymnes, et par des cantiques
spirituels, chantant et c¨¦l¨¦brant de tout votre cœur les louanges du Seigneur ;
rendez continuellement grâces ¨¤ Dieu le P¨¨re pour toutes choses, au nom de
notre Seigneur J¨¦sus-Christ. »
« Quelqu¡¯un parmi vous est-il malade ? Qu¡¯il appelle les anciens de l¡¯Église,
et que les anciens prient pour lui, en l¡¯oignant d¡¯huile au nom du Seigneur ;
la pri¨¨re de la foi sauvera le malade, et le Seigneur le rel¨¨vera ; et s¡¯il a
commis des p¨¦ch¨¦s, il lui sera pardonn¨¦ »
(Jacques 5: 14,15).
Pendant son minist¨¨re J¨¦sus a gu¨¦ri beaucoup de malades ; apr¨¨s son ascension
il n¡¯a pas cess¨¦ de faire des gu¨¦risons : seulement, il les a accomplies moins
directement ¡ª par l¡¯op¨¦ration du saint-Esprit, en utilisant les apôtres et les
anciens.
« Tout pouvoir m¡¯a ¨¦t¨¦ donn¨¦ dans le ciel et sur la terre »,
a-t-il dit aux apôtres (Matthieu 28: 18, 20) ;
« Et voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu¡¯¨¤ la fin du monde. »
Ainsi, le don des gu¨¦risons ¨¦tait l¡¯un des pouvoirs de l¡¯Esprit qui ont ¨¦t¨¦
donn¨¦s aux disciples de cette ¨¦poque « pour l¡¯utilit¨¦ commune » (1 Corinthiens
12: 7- 11). Il est donc tout ¨¤ fait naturelle que Jacques ordonne au malade
d¡¯appeler les anciens de l¡¯Église, afin qu¡¯ils prient pour lui, « en l¡¯oignant
d¡¯huile au nom du Seigneur ». L¡¯huile c¡¯est le rem¨¨de naturel souvent employ¨¦
dans les pays orientaux pour soulager les blessures et pour gu¨¦rir les malades.
Nous nous souvenons tous du Samaritain qui a aid¨¦ l¡¯homme battu par les
brigands ; il lui a band¨¦ les plaies « en y versant de l¡¯huile et du vin » (Luc
10: 34 ; voir aussi Ésaïe 1: 6 ; J¨¦r¨¦mie 8: 22, 46: 11). Pendant le minist¨¨re
de J¨¦sus les apôtres, envoy¨¦s par lui deux ¨¤ deux pour pr¨ºcher la repentance, «
oignaient d¡¯huile beaucoup de malades et les gu¨¦rissaient ». Il nous paraît
clair que dans ces cas le pouvoir de Dieu, invoqu¨¦ par les apôtres, a aid¨¦ et
acc¨¦l¨¦r¨¦ la gu¨¦rison normale et orthodoxe (celle-ci n¡¯¨¦tant malheureusement que
trop souvent inefficace). Il en ¨¦tait ainsi chez les anciens auxquels Jacques
fait allusion : ils oignaient le malade « au nom du Seigneur » ; ils priaient
pour lui avec foi et sans douter ; et le pouvoir du Seigneur, invoqu¨¦ par eux
et agissant en eux par le Saint-Esprit, gu¨¦rissait le malade ¡ª le Seigneur le
relevait.
« Et s¡¯il a commis des p¨¦ch¨¦s, il lui sera pardonn¨¦. » Les maladies sont
entr¨¦es dans le monde ¨¤ cause du p¨¦ch¨¦ ; dans l¡¯Écriture il y a souvent une
liaison ¨¦troite entre les maladies et le p¨¦ch¨¦ (voir, par exemple, Jean 5: 14).
Souvent un homme se trouve afflig¨¦ d¡¯une maladie justement ¨¤ cause de son
propre p¨¦ch¨¦ ; et il semble probable que les apôtres poss¨¦daient le pouvoir
d¡¯infliger sur un fr¨¨re p¨¦cheur une maladie, ou m¨ºme la mort, en guise de
châtiment (voir, par exemple, Actes 5: 1-11 ; 1 Corinthiens 5: 4, 5 et 2
Corinthiens 2: 6-11 ; 1 Corinthiens 11: 27-34). Ce pouvoir est ¨¦troitement li¨¦
¨¤ celui que J¨¦sus a donn¨¦ aux apôtres avant son ascension (Jean 20: 23) :
« Ceux ¨¤ qui vous pardonnerez les p¨¦ch¨¦s, ils leur seront pardonn¨¦s ; et ceux ¨¤
qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus ».
Ainsi Jacques, ayant assur¨¦ le malade de sa gu¨¦rison physique, ajoute qu¡¯au cas
o¨´ la maladie soit associ¨¦ avec le p¨¦ch¨¦ le pardon du p¨¦ch¨¦ accompagnera la
gu¨¦rison du corps. Tous les deux, l¡¯apaisement du corps et celui de l¡¯esprit,
d¨¦pendent naturellement d¡¯une attitude de foi et d¡¯humilit¨¦ chez le malade.
Entre la pens¨¦e des versets 14 et 15 et celle des versets 16-18, il y a une
liaison ¨¦troite, liaison soulign¨¦e par le mot « donc » qui introduit ces
versets-ci :
« Confessez donc vos p¨¦ch¨¦s les uns aux autres, et priez les uns pour les
autres, afin que vous soyez gu¨¦ris ».
La reconnaissance et l¡¯aveu franc du p¨¦ch¨¦, la pri¨¨re humble et sinc¨¨re, voil¨¤
ce qui est n¨¦cessaire pour la gu¨¦rison, tant de l¡¯esprit que du corps afflig¨¦,
celui-ci, ¨¤ cause du p¨¦ch¨¦. De cette pens¨¦e Jacques passe tout naturellement ¨¤
une consid¨¦ration plus gen¨¦rale de l¡¯efficacit¨¦ de la pri¨¨re.
« La pri¨¨re agissante du juste a une grande efficacit¨¦. Élie ¨¦tait un homme de
la m¨ºme nature que nous : il pria avec instance pour qu¡¯il ne pleuve point, et
il ne tomba point de pluie sur la terre pendant trois ans et six mois. Puis il
pria de nouveau, et le ciel donna de la pluie, et la terre produisit son fruit
»
(versets 16-18).
« La pri¨¨re du juste » : il est essentiel de noter que Jacques ne parle pas ici
de la justice absolue et sans tache ; en ce sens nul homme n¡¯est juste, selon
qu¡¯il est ¨¦crit : « Il n¡¯y a point de juste, pas m¨ºme un seul » (Romains 3:
10). N¨¦anmoins, Dieu impute la justice ¨¤ l¡¯homme qui croit en Lui, qui essaie
de Lui plaire :
« Car que dit l¡¯Écriture ? Abraham crut ¨¤ Dieu, et cela lui fut
imput¨¦ ¨¤ justice. [...] De m¨ºme David exprime le bonheur de
l¡¯homme ¨¤ qui Dieu impute la justice sans les œuvres :
Heureux ceux dont les iniquit¨¦s sont pardonn¨¦es,
Et dont les p¨¦ch¨¦s sont couverts !
Heureux l¡¯homme ¨¤ qui le Seigneur n¡¯impute pas son p¨¦ch¨¦! »
(Romains 4: 6-8).
Ce n¡¯est qu¡¯en ce sens que l¡¯homme peut ¨ºtre juste ; ce n¡¯est qu¡¯en ce sens
qu¡¯Élie lui-m¨ºme ¨¦tait un homme juste. « Homme de la m¨ºme nature que nous » ses
pri¨¨res avait une grande efficacit¨¦ justement ¨¤ cause de sa confiance absolue
en Dieu. Et Jacques nous encourage en nous rappelant que ce qui est arriv¨¦ dans
le cas d¡¯Élie peut arriver aussi dans le nôtre si nous partageons sa confiance
en Dieu. L¡¯Ancien Testament ne fait pas une allusion explicite ¨¤ la pri¨¨re
d¡¯Élie, mais elle est implicite dans l¡¯attitude supplicatoire de 1 Rois 18: 42:
« Élie monta au sommet du Carmel ; et. se penchant contre terre, il mit son
visage entre ses genoux ».
« Mes fr¨¨res, si quelqu¡¯un parmi vous s¡¯est ¨¦gar¨¦ loin de la v¨¦rit¨¦, et qu¡¯un
autre l¡¯y ram¨¨ne, qu¡¯il sache que celui qui ram¨¨nera un p¨¦cheur de la voie o¨´
il s¡¯est ¨¦gar¨¦ sauvera une âme de la mort et couvrira une multitude de p¨¦ch¨¦s »
(Jacques 5: 19, 20).
L¡¯Écriture parle souvent de la vie du serviteur de Dieu sous la similitude
d¡¯une voie. « Tu me feras connaître le sentier de la vie », dit le Psalmiste
(Psaume 16: 11) ; J¨¦sus parle (Matthieu 7: 14) du chemin resserr¨¦ qui m¨¨ne ¨¤ la
vie ; et Pierre (2 Pierre 2: 2, 21) fait allusion ¨¤ la « voie de la v¨¦rit¨¦ » et
¨¤ « la voie de la justice ». Pendant le premier si¨¨cle on parlait souvent du
christianisme sous le nom de la Voie (voir, par exemple, Actes 9: 2 (marge) ;
19: 23 ; 24: 14). P¨¦cher, c¡¯est donc errer de la bonne voie :
« Telle voie paraît droite ¨¤ un homme, Mais son issue, c¡¯est la voie de la mort
»
(Proverbes 14: 12).
« Son issue, c¡¯est la voie de la mort. » Jacques a donc raison de dire que
celui qui ram¨¨ne le p¨¦cheur de sa mauvaise voie a sauv¨¦ une âme de la mort,
ayant couvert la multitude de ses p¨¦ch¨¦s.
L¡¯¨¦pître se termine d¡¯une mani¨¨re brusque et expressive, ce qui est d¡¯ailleurs
fort caract¨¦ristique de son auteur ; ce qui accorde aussi avec le caract¨¨re
g¨¦n¨¦ral d¡¯une lettre adress¨¦e non ¨¤ une seule ¨¦glise mais « aux douze tribus
qui sont dans la dispersion ». Que Dieu b¨¦nisse nos m¨¦ditations sur cette ¨¦pître,
afin que, recevant avec douceur la parole qui a ¨¦t¨¦ plant¨¦e en nous, nous la
mettions en pratique pour le salut de nos âmes.
Neville Smart
(num¨¦ris¨¦ par K.M.)